aujols-Laffont

F comme Finalement l'épidémie arrive

Depuis le Moyen-Âge, nous connaissons les facteurs qui permettent à une maladie de devenir épidémique et de décimer une population : une population affaiblie par les mauvaises récoltes dues aux intempéries ou par les dévastations de guerre. Les plus faibles, jeunes enfants ou anciens ont déjà disparu mais les survivants sont vulnérables car affaiblis et sous-nutris donc le moindre « germe », bactérie ou virus, peut faire des ravages !

 

Et le choléra s'invite dans la vallée en 1854 !

Il va pouvoir se répandre facilement grâce à plusieurs facteurs et le plus important étant qu'on ne le pense pas contagieux ! En effet, il faut rappeler que le bacille responsable n'est identifié qu'en 1885, donc presque 30 ans plus tard !

 

pas contagieux.PNG

 

Ou encore on pense que l'air sain du pays l'empêchera d'y sévir :

 

l'air des Pyrénées.PNG

 

 

De ce fait, les populations et les médecins ne sont pas préparés, aucune précaution à prendre pour se protégerr de la maladie : il suffit d'être propre et sobre !

Et les Notaires, débordés d'appels, établissent des testaments de mourants « de maladie non contagieuse » ! Bizarrement aucun Notaire de la vallée ne fut atteint, ils devaient se tenir à distance des testateurs et ne rien toucher ou boire dans la chaumière !

 

Autre facteur aggravant, la misère due aux calamités des années passées :

 

insalubrité.PNG

 

 

Mais aussi les conditions sanitaires déplorables et la promiscuité : le malade n'est pas isolé de la famille parce que c'est impossible, la maison n'a souvent qu'une seule pièce « à feu ». De plus, nous sommes au moment du « baby boom » ariégeois, les vallées sont surpeuplées et la famille abrite, tant bien que mal, plusieurs générations sous le même toit.

L'hygiène laisse à désirer : l'eau quoi' qu'abondante n'est pas à proximité et le fumier voisine souvent avec la maison...

Enfin, les déplacements des migrants facilitent la propagation du bacille, or, en ces années de misère, ils sont plus nombreux qu'à l'ordinaire... On ne limite pas la liberté de circulation et le premier décès de Saint-Girons est celui d'une jeune fille de Massat le 15 Septembre 1854 :

 

libre circulation.PNG

 

Sur place les autorités, les médecins et même les instituteurs se démènent pour venir en aide aux populations, les prêtres prient, administrent et ensevelissent. Nombre de remèdes empiriques sont employés comme des fumigations qui font penser aux remèdes contre la peste, des siècles précédents, et sont tout aussi inefficaces !

 

Le choléra est identifié en Septembre et Octobre 1854 dans la vallée et trois communes signalent, en marge des actes, la cause des décès : Boussenac, Le Port et Massat.

 

Voyons donc si, on peut retracer le cheminement de la maladie, de la contagion. Bien sûr, avec ces données, nous n’aurons que les liens officiels, établis et pas les liens d’amitié, d’entraide et de voisinage (une veillée funèbre, dans un hameau, concerne tout le monde et on peut venir d’ailleurs… et emporter le bacille avec soi !)

Comparons d’abord les chiffres globaux de décès sur 3 ans afin d’estimer le « pic » de 1854 :

 

Décès /villages

1853

1854

1855

Aleu

26

54

19

Biert

53

154

66

Boussenac

80

105 dont 49 dus au choléra*

44

Massat

88

179 dont 60 dus au choléra*

93

Le Port

72

174 dont 110 dus au choléra*

61

Soulan

45

92

38

 

Or, en regardant bien, on constate, dès le mois d'Août des décès dus à des diarrhées : le choléra est déjà là ! C'est un des symptômes les plus alarmants de cette maladie mal connue à l'époque.

 

C’est, de loin, Le Port qui est le plus durement touché, sans doute parce que situé sur une des routes menant à la vallée.

Au Port, le premier cas identifié est signalé le 14/9/1854 mais il est précédé de 4 décès par « diarrhée » à partir du 29/8/1854, le dernier décès survient le 27/11/1854.

A Massat, l’épidémie commence le 3/9/1854 pour se terminer le 16/11.

A Boussenac, premier cas le 10/9/1854 (mais là aussi précédé de deux décès par diarrhée dès le 31/8) le dernier le 28/10.

 

Voyons maintenant, dans ces communes à l’habitat très dispersé, quels sont les hameaux les plus touchés : dans la commune de Massat, c’est incontestablement le hameau de Lirbat (situé sur une voie de communication avec Saint-Girons) qui détient ce triste record avec 17 décès, puis le bourg avec 14 victimes et la Coumo de la Belle avec 7. Viennent ensuite Jaü (3), Ferré, Esquen, La Bernède, Eycherboul, et Falat (2) ; le Ker, Bouzigues, Le Pont, Cancarrou, Esplas, Liers, Ferran, col dourben et Pastres (1).

 

Dans la commune de Boussenac, le triste record est détenu par le hameau des Eychards, situé près d’une voie de communication avec Massat et le premier frappé : 8 décès dont 5 Laffont del Cardaÿre. Le Rieuprégon 7 victimes, Jacoy 5, Les Barous, les Arils, Brusquet 4 ; Les Bels et Boussenac 3 ; viennent ensuite avec 2 décès Castelet, Espies et Estien ; enfin Fauroune, Larouqueille, Gaydot, Bout d’Alis, Bedaillol, Fond de Fidelle, Fourré et Pissou ne déplorent qu’un disparu.

La commune du Port compte 5 hameaux très touchés : Arac, Carol et Trabieyet 16 décès, Le Port et LaRuze 14. Ezès, Salbis et les Ourtrigous 6 ; La Chique et Sartrous 4 ; Carla, Briole et Lafautie 2 ; enfin Garrabès, Ferré, Peyregude, Chiepe, Ardeÿt, Caustelax et Maussey 1 décès.

La cartographie pourrait nous aider à visualiser la diffusion de l’épidémie.

 

Cassini Massat noir et blanc choléra.PNG

                                        (code couleur : rouge, plus de 10 décès ; vert, entre 5 et 10 et jaune, moins de 5 décès)

 

Derniers facteurs aggravants : les visites mortuaires et les héritages !

On toilette et on veille le défunt, puis on se soutient, on s'embrasse à son chevet et ainsi, le bacille se transmet par des mains ou des visages non lavés, après avoir touché le mort.

Dans ces pays pauvres, il n'est pas question de jeter, encore moins de brûler le lit, les couvertures ou les vêtements, ils font partis de l'héritage ; quand auront-ils droit à la lessive ?

 

A partir des 3 communes qui indiquent les causes  de décès, il est possible d'établir des statistiques, une chronologie et une cartographie de l'épidémie au niveau local (nous n'avons trouvé que des statistiques concernant les arrondissements) et certains hameaux isolés semblent avoir été totalement épargnés, comme Encenou dans la montée du col de la Crouzette ou Bouaté, par exemple.




06/06/2017
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