aujols-Laffont

I comme Ihlet

J'ai rencontré aussi les graphies hihlet ou illet,  mais qu'est-ce donc ?

Et bien, je ne sais pas !!!

J'ai deux définitions à vous proposer "cri strident que poussaient les jeunes gens pour appeler les jeunes filles au loin, annoncer leur arrivée à leur retour d'un veillée galante ou pour ponctuer soit une chanson, soit une danse, la bourrée par exemple. Ce cri, autrefois poussé par les pâtres des montagnes serait une survivance de la préhistoire." (Dictionnaire du parler Biertois/ Roger Toulze Grabet p. 427 tome 2)

Jean-Pierre Laurent, lui, propose cette définition plus centrée sur le travail : "huchement, cri perçant et ioulé que poussent les bergers pour s'appeler d'un flanc de montagne à l'autre et les jeunes gens pour appeler les filles" Le verbe correspondant serait "illar" qui signifie hucher ( Dialecte de la vallée de Massat .-ed à compte d'auteur ; 2000 isbn 2-9514853-2-8 disponible aux AD 09).

Les veillées galantes évoquées, les perbielo, (parler Biertois p 123 tome 3) sont en fait des veillées qui se passaient " dans un cadre familial ... les garçons la passaient au domicile des filles ; chants et danses y étaient de règle avec parfois l'extinction des lampes à huile"...

 

Il semble aussi que la modulation du ihlet, son ton, peut-être son octave grave ou aigu, soit particulier à chaque individu et permette de le reconnaître à distance, même si les conditions météorologiques ne permettent pas de distinguer son auteur.

 

Ce cri peut-il signaler un danger entre bergers ? Est-ce un mode de communication archaïque? Le "Guide des Pyrénées mystérieuses" (p 116-117) consacre un article à ce cri "venu du fond des âges" et l'assimile à "l'irrintzina" du Pays Basque. Ainsi, il existerait dans toute la chaîne des Pyrénées et serait comparable dans sa fonction pastorale au "yole" des Alpes. Il permettrait même des conversations entre vallées mais le message doit être court car "on se fatigue vite à tenir la voix à cette hauteur".

 

Le même Guide cite sa description par Pierre Loti dans "Ramutcho" : " suraigu, terrifiant ... il est parti de ces notes très hautes qui n'appartiennent d'ordinaire qu'aux femmes mais avec quelque chose de rauque et de puissant qui indique plutôt le mâle sauvage. Il a le mordant de la voix des chacals et il garde quand même quelque chose d'humain qui fait davantage frémir ; on attend avec une sorte d'angoisse qu'il finisse et il est long, long ; il oppresse par son inexplicable longueur...il avait commencé comme un haut bramement d'agonie et voici qu'il s'achève et s'éteint en une sorte de rire sinistrement burlesque comme le rire des fous." Peut-on être plus précis dans une description muette ?

 

En tout cas, c'est le ihlet de joie du vagueux qui revient dans sa vallée, du colporteur qui retrouve sa terre, son "oustal" et s'annonce ; sûr, même après des mois d'absence que son ihlet sera reconnu ! Il a quelques pièces en poche qui aideront sa famille et revient indemne !

C'est aussi celui du jeune homme qui vient retrouver sa mie qu'elle lui soit destinée ou non..."Aussi viril, aussi rituel, le ihlet de Massat,annonçait les amoureux aux jeunes filles qu'ils courtisaient" (op.cit.)

 

J'espérais entendre au moins un ihlet lors de la montée d'estive... aucun ; des cris, des sifflets ; c'est tout. Le cri des Pyrénées s'est-il perdu ?

 

 

 

 

 

 

 



10/06/2016
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