P comme Petchets ou Chambristes
Scission au sein de l'église catholique dont la genèse remonte à la Révolution et au serment qu'elle exigea des prêtres (loi du 12 Juillet 1790). Le clergé fut, alors, coupé en deux : les "jureurs" et les "réfractaires", ces derniers obligés de s'enfuir (émigrer) ou de se cacher pour éviter la prison voire la guillotine. La paroisse de Massat ne fut pas épargnée, 3 prêtres refusèrent de prêter serment et se réfugièrent au Ker de Massat.
En 1801, le Concordat voulait rétablir les relations avec le Saint Siège, réorganiser l'Eglise et espérait effacer la scission. Ce fut un échec, les évêques devaient démissionner en préalable à cette "uniformisation", or 38 réfractaires refusèrent et donnèrent naissance à la "Petite Eglise" que l'on retrouve à Angers, en Languedoc et en Provence. Le Couserans perdit ainsi son évêché de Saint Lizier et certains prêtres et fidèles rejoignirent la "Petite Eglise".
Les adeptes,surnommés localement les "Petchets", nom du hameau où résidait leur diacre, refusaient de recevoir les sacrements des mains de prêtres concordataires assimilés au "jureurs" ; ce qui signifiait concrètement qu'ils ne participaient plus à la vie paroissiale, n'assistaient plus à la messe dominicale, ne faisaient plus leur Pâques, ne baptisaient plus leurs enfants, ne se mariaient plus et n'étaient plus inhumés dans l'église de leur paroisse et par ses desservants ! Un choix très lourd de conséquences car il engage l'âme et le repos éternel!
Vous savez tous à quoi sont promis ceux qui ne respectent pas la loi de l'Eglise : rien moins que la damnation...
A Massat, l'abbé Urtier, réfractaire, revient de son exil à Londres et se réfugie au hameau de la Bernède (commune de Massat), il prend la tête de la petite communauté dissidente (évaluée entre 100 et 150 fidèles par l'Administration, peut-être le double en réalité) et administre les sacrements. Il est secondé par trois croyants : Pierre Loubet de Paule dit Petchet (hameau proche de la Bernède), diacre, Jean Pierre Lazès Dansomenut du Port et Pey Ponsat d'Aleu. Tous trois furent arrêtés en 1809 et soupçonnés d'idées séditieuses envers l'Empire puis libérés peu après "puisqu'ils ne troublaient pas l'ordre public".
Mais la "Petite Eglise" est officiellement dissoute. Cette décision n'eut aucun effet, ce serait mal connaître les Ariégeois que de s'arrêter là, l'église subsistera dans l'ombre jusqu'au milieu du XX° siècle...
A la mort de l'abbé Urtier, Pierre Loubet de Paule devient le chef de file des "Petchets" mais il n'est que diacre, pas prêtre, il peut baptiser les enfants, diriger les prières qui ont lieu chez lui (d'où l'autre nom de Chambristes), mais ne peut ni célébrer les mariages ni administrer l'Extrême Onction. Les jeunes couples devront se rendre à Toulouse pour recevoir la bénédiction nuptiale et les défunts se contenteront de prières et seront inhumés sur le Ker de Massat ou au Port.
Voilà ce que j'avais appris de cette dissidence lorsque mon travail de fourmi dans les archives notariales me valut une belle récompense ! Le testament de Pierre Loubet de Paule !
Testament du 6/7/1836 (AD 09 M° Galy Gasparrou 5E7790 n° 310)
J'allais enfin pouvoir vérifier si leurs croyances laissaient des traces visibles qui permettaient de repérer les adeptes. Il teste le 6 Juillet 1836 et ne demande ni messes ni inhumation près de ses ancêtres comme le font ses contemporains. Il recommande son âme à Dieu et passe directement aux dispositions terrestres.
Je m'étais intéressée à cette église parce que j'aime les dissidences dans ce monde ancien très codifié et attaché aux traditions ( les Demoiselles, les contrebandiers etc), je croyais faire une escapade éloignée de ma recherche généalogique mais bien agréable et instructive... que nenni ! Je reste sous le choc en lisant la suite du testament : l'épouse de Pierre est Catherine Laffont Cardaÿré ! Une tantine ou une cousine et en regardant bien les deux autres chefs de file des Petchets (Lazès Dansomenut et Ponsat d'Aleu) sont des collatéraux !
Catherine (mon prénom en plus...) est donc épouse, mère et aïeule des responsables de la "Petite Eglise". En effet, à la mort de Pierre en 1847, c'est son fils Joseph qui reprend la responsabilité de la petite communauté, puis Sabin, petit-fils de Pierre, le dernier adepte de Massat mort en 1938 à 94 ans.
Curieusement, la dernière Chambriste de Pamiers se nomme Laffont mais je n'ai pas encore cherché d'où elle était originaire :
Si, parmi mes lecteurs, il s'en trouve certains, dont les ancêtres ont appartenu à cette "Petite Eglise", je suis curieuse de savoir comment se déroula ce "schisme" dans d'autres régions et s'il en existe encore des traces.
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