pourquoi "aujols" ?
La vallée de Massat, d'où sont originaires mes ancêtres Laffont, est une zone de contact entre l'Occitan et le Gascon ce qui produit un langage hybride : la base grammaticale est occitane mais le vocabulaire est parfois gascon. Chaque vallée a son parler particulier, certains mots diffèrent même entre le village et les hameaux éloignés : Monsieur Roger Toulze "Grabet" donne en exemple la chaise qui se dit "la cadièro" à Biert et "la scabèlo" dans le hameau des Fontelles* !
Il me fallait donc choisir entre deux termes pour désigner mes anciens : aïnats en Occitan et aujols en Gascon. Mon choix se fit d'abord à l'oreille (je ne parle aucune de ces langues régionales) le premier me semblait plus dur, plus agressif dans sa prononciation, le second plus doux, plus tendre. Encore fallait-il vérifier que les deux termes faisaient partie du vocabulaire massatois, ce qui est le cas : aïnat désigne l'aîné mais surtout l'héritier, il a une connotation particulière car le Couserans était un pays de droit d'aînesse absolue sous l'Ancien Régime, autrement dit le premier né de la fratrie, fille ou garçon, héritait de l'oustal (la maison, la ferme familiale) et des terres, les cadets étaient souvent condamnés au célibat. L'aîné est respecté, il représente le père lorsqu'il s'absente pour les migrations saisonnières, mais il est aussi jalousé et craint. Est-ce cette ambivalence qui transparait dans la sonorité rude du mot ? Mon choix à l'oreille fut donc définitif...
* à Biert, village d'Ariège, autrefois / Roger Toulze "Grabét" .- e-dite, 2001 p. 17
En route vers Massat
Aujourd'hui, vous avez l'embarras du choix, pas moins de quatre itinéraires possibles pour rejoindre la vallée !
C'était loin d'être le cas au milieu du XIX° siècle : le Couserans ne sera relié au Pays de Foix, par des routes carrossables, qu'entre 1845 et 1855 ... la "route des diligences" dont on peut voir un tronçon entre Massat et Biert (parcours de découverte) passait au pied du Ker de Massat et reliait Saint-Girons à Massat.
Dans la majorité des cas, les transports se faisaient par muletage ou à dos d'hommes, à pied, sur des sentiers escarpés. Madame Pailhès écrit qu'"en montagne, il reste à la fin du siècle des communes qui ne sont accessibles qu'à pied" (La vie en Ariège au XIX° siècle p.307)
De nos jours, la route la plus facile passe par Saint-Girons et longe le cours de l'Arac, une magnifique rivière mais qui peut avoir des colères dévastatrices et endommager la route.
Au départ de Tarascon sur Ariège, un autre accès passe par le col de Port (1249m). Il n'est pas rare à la belle saison d'y rencontrer des vaches et leur progéniture flânant sur le bitume, il faut donc attendre patiemment qu'elles veuillent bien regagner les bas-côtés mais les habitués m'ont assuré qu'en criant un peu, elles s'exécutent plus vite.
Les deux autres itinéraires sont un peu plus "sportifs" et peuvent être fermés en hiver. La D17, passant par le col de Péguère, est souvent empruntée par le Tour de France car on y rencontre des pentes à fort pourcentage. Je regrette toujours de ne pas avoir pris le temps de faire vérifier mes freins ... trop tard, il ne reste que les patenôtres.
Enfin la plus pittoresque, à mon avis, même si elle cumule tous les inconvénients (forte déclivité, absence de rail de sécurité et éboulement possibles), la très étroite D 18 qui passe par le col de la Crouzette. Il est souhaitable de ne pas croiser un camping car ou un camion...Fin Mai et fin Octobre, on peut avoir l'heureuse surprise d'y rencontrer des troupeaux montant ou descendant des estives. Au sommet du col, la récompense :
un magnifique panorama sur la chaine des Pyrénées
Et tout au long de la route, une multitude de mini cascades à l'eau pure et glacée :
J'espère vous avoir donné envie de visiter la vallée de Massat et le Couserans en général !
Premières recherches
Comme la plupart des descendants d'Ariégeois, je suis partie à la recherche de mes ancêtres avec un patronyme tronqué ! Mon arrière grand-père François Laffont est né à Boussenac (canton de Massat) dans les années 1850, sa mère s'appelait Magdeleine Loubet ; voilà tous les renseignements dont je disposais.
La première question que l'on vous pose à la Mairie : "Laffont, comment ?" ou "Loubet, comment ?" ... Là, un gros point d'interrogation s'inscrit dans vos yeux et votre cerveau tourne à vide ; pas de panique, vous êtes sur le point de découvrir l'existence des sobriquets, indispensables pour trouver le "bon ancêtre", sinon vous risquez de repartir avec, dans vos bagages, un grand-père qui n'est pas le vôtre ! Les patronymes sont peu nombreux et les Loubet, les Piquemal, les Galy ou les Laffont "il y en a comme des puces sur les chiens", le sobriquet sert donc à différencier les familles. Par la suite, en approfondissant, vous découvrirez que le sobriquet a un fonctionnement plus compliqué...
Seulement voilà, ceux qui quittèrent leur vallée y laissèrent leur sobriquet qui n'avait plus de raison d'être et les Laffont del Par, les Laffont Lagras, Belet, Parat ou del Cardaÿre devinrent des Laffont tout court, même dans les actes d'état-civil ! A leurs descendants directs, il n'en parlèrent pas toujours. La première fois que je parlai de François Laffont del Cardaÿre à son petit-fils (mon cousin Jean) il me demanda pourquoi j'avais imaginé (!!!) ce nom bizarre, et il est vrai que ma grand-mère Marguerite, fille de François, n'en a jamais fait mention et pourtant il figure bien dans l'acte de naissance de François :
Voilà un grand pas de franchi ! Vous connaissez votre sobriquet "del Cardaÿre" et celui de l'AAGM del Bayle, ce qui va vous simplifier la recherche... au moins pour l'instant.
La commune de Boussenac
Roulez doucement car vous pouvez la dépasser sans la voir ! Il n'y a pas de "centre ville" et le panneau n'indique pas Boussenac mais Espies, un des 51 lieux habités (31 hameaux, 20 fermes) qui composent la commune :
Nomenclature des hameaux Canton de Massat, 1946
A Espies, se trouvent la Mairie, un café-épicerie-boulangerie et quelques maisons ainsi que la plaque de marbre noir du monument aux morts sur le mur de la Mairie.
A la Mairie de Boussenac, l'accueil est très aimable et, depuis la découverte de notre sobriquet, les recherches avancent bon train, jusqu'en 1813 ! Pas de registres antérieurs, ça c'est une nouvelle terrifiante pour un généalogiste ! Où sont passés les registres de la période révolutionnaire et surtout les BMS ? Angoisse, pourvu qu'ils n'aient disparu ! Ils ne sont pas non plus aux AD ...
Au fait, nous n'avons pas vu d'église et où se trouve donc le cimetière ? Mon cousin pose la question qui déclenche une grande discussion... Croyant avoir été mal compris (il est anglais et a un léger accent) il demande "où sont enterrés vos disparus ?" La discussion se poursuit et on nous donne enfin deux réponses : il y a bien une petite église et un cimetière au hameau du Rieuprégon mais la plupart des habitants de Boussenac se font enterrer à Massat.
Nous comprenons enfin, Boussenac n'a jamais été une paroisse à part entière et l'église du Rieuprégon était une annexe de la collégiale de Massat ! Pour ceux qui auraient des ancêtres à Biert ou au Port, ces deux églises aussi étaient des annexes de Massat et Biert et le Port ne furent érigés en communes qu'en 1851 ; auparavant l'état civil est à Massat. Ouf ! il y a bien des BMS... mais tout est à Massat !
Un regard sur la carte de cette commune dont l'habitat est si dispersé (une vingtaine de hameaux apparaissent ici sur les 51 lieux habités) dans un contexte de moyenne montagne au climat rude, nous persuade aisément que tout a été difficile : les transports, l'implantation des écoles et même la participation à la vie religieuse. Après calcul, la distance entre le hameau des Arils (le plus à l'Ouest) et le col de Port est de 14 km...
Cimetière du Rieuprégon
Dans un premier temps, allons donc visiter le cimetière du Rieuprégon et vérifier si nous trouvons quelques tombes Laffont.
Ah, mon Dieu que ce cimetière est pentu ! Les tombes sont serrées les unes contre les autres et je les inspecte toutes, je déchiffre tous les noms et puis il faut remonter la pente et, en remontant, je pense à toutes les personnes âgées qui viennent visiter leurs défunts. Une promenade ou un pèlerinage à se casser les os à moins d'avoir des mollets ariégeois !
Au fait, c'est vrai que je n'ai que 12,5% de sang ariégeois, ce n'est peut-être pas suffisant pour ce type d'escalade !
Bilan de la visite, pas une seule tombe Laffont et pourtant je suis sûre que des filles Laffont se sont mariées avec des hommes du Rieuprégon...
Comme toutes les églises, de nos jours, celle-ci est fermée en dehors des moments de culte.
Prochaine visite, le cimetière de Massat pour retrouver les lieux de sépulture des Laffont, à moins que certains d'entre eux ne soient en haut du Ker mais vous saurez ensuite pourquoi !