EN LISANT LA PRESSE
Dernières nouvelles du ...XIX° siècle
Récemment de retour de Foix, je vous ramène des nouvelles !
Le bihebdomadaire "L'Ariégeois" ne semble pas avoir été mis en ligne, en tout cas pas sur mes trois sites de recherche favoris (Gallica, bibliothèque numérique de Toulouse et Médias19) ; or une belle collection est consultable aux Archives de l'Ariège.
(inventaire des périodiques Salle de lecture)
Au départ, je voulais voir comment les organes de presse relataient la maladie de la pomme de terre et la disette qui s'ensuivit (1846) ainsi que l'épidémie de choléra (1854) ; mais en feuilletant, je me suis aperçue que l'on pouvait "glaner" bien d'autres sujets intéressants. J'ai donc décidé de "dépouiller" pour vous non seulement les articles de fonds mais aussi les faits divers, les jugements d'Assises et même les réclames, parfois cocasses, depuis 1846 :
Il existe d'autres périodiques en ligne comme "Le Journal de Toulouse" ou "Le Mémorial des Pyrénées", tout aussi intéressants, mais dont l'aire de diffusion est plus large que le département.
Pourquoi dépouiller les journaux dans le cadre de recherches généalogiques, me direz-vous ? Outre les nouvelles nationales, ils nous informent aussi sur les conditions de vie de nos ancêtres, leur environnement et même sur les conditions météorologiques ; il ne faut donc pas les négliger.
Je vais, certes, dans mes choix, privilégier la vallée de Massat et sa voisine, celle d'Oust et d'Ercé, mais sans oublier les événements majeurs du département.
Quelques réclames (le terme publicité n'existait pas encore) paraissent dès les premiers numéros et même si elles touchent peu nos ancêtres paysans qui n'ont pas les moyens de s'offrir de telles "fantaisies" surtout dans les années de disette ; elles témoignent et du progrès qui touche le département et de la difficulté de l'Ariège "profonde " au changement.
On peut ainsi, pour le prix d'une brebis en montagne, se faire prendre en "photo" :
(publicité publiée dans le premier numéro du journal le 24 Mars 1846)
En 1846, le système métrique cause encore des migraines à ceux qui doivent se résoudre à l'employer ! Il est pourtant rendu obligatoire depuis l'arrêté du 13 Brumaire an IX (4 Novembre 1800) Voici une aide providentielle pour tous ces pauvres gens :
(réclame du 7 Avril 1846)
Pour un franc seulement ! tout est résolu.
Preuve, tout de même, que les anciennes mesures ont eu la "vie dure" ! 46 ans ! Et pourtant elles n'étaient absolument pas simples...
La "jungle" des mesures anciennes
Devant tant de lenteur à adopter le système métrique, on pourrait penser, naïvement, que les anciennes mesures étaient plus simples ! Or, c'est loin d'être le cas ! Je savais que les mesures variaient entre les provinces et même au sein de celles-ci mais de là à imaginer qu'elles puissent varier entre les villages d'une même vallée...
J'avais fait des recherches sur le net avant de rédiger l'article concernant les biens de mon ancêtre Arnaud Auriac Coupet, pour essayer d'en évaluer les superficies et les chiffres fluctuaient entre Soulan, Aleu et Massat ! J'ai donc choisi un site qui me semblait plus fiable que les autres (références indiquées etc...)
Ce problème n'était pas résolu et, sans troubler mon sommeil, rassurez-vous, ces perches carrées variables me restaient en mémoire... en trouvant la réclame, je pensai qu'un texte avait dû normaliser ces mesures ; je demandai à la Présidente de la salle de lecture s'il existait un ouvrage, un document ou le moindre feuillet sur les mesures anciennes de l'Ariège. Elle m'indiqua une petite plaquette rédigée par M. Mercadier : un pur bonheur !!! 54 pages expliquant les mesures utilisées par mes ancêtres "de temps immémorial" et leur équivalent dans le système métrique.
J'ai donc passé deux soirées en compagnie virtuelle de M.Mercadier, cet ingénieur allait m'expliquer ce que j'avais recherché sur le net sans succès probant.
Une petite remarque, si nos ancêtres étaient, pour la plupart illettrés, ils avaient un réel sens du calcul, mental qui plus est ! car, dans les foires et marchés à quelques kilomètres, les mesures de capacité pouvaient varier ; il importait de ne pas se faire "rouler" par un vendeur de Soulan ou d'Oust !
Commençons, comme ce cher Mercadier par les mesures de surface ; le généalogiste qui veut évaluer le patrimoine de ses ascendants va en avoir besoin et de vocabulaire aussi ... les perches et les cannes, nous connaissons mais voilà, en plus, les sétérées (ce qu'on peut ensemencer avec un setier de grains ; ben oui mais, si le setier fluctue et si le semeur sème large ou dru ?) ; le journal (ce qui se laboure en une journée, bon avec ou sans cailloux, terrain plat ou non, gars vaillant ou pas...) et l'arpent qui vaut, lui, de 20 à 50 ares d'après "le Robert" , ça fait tout de même une belle différence ! Là, on n'est pas arrivé car Mercadier emploie ces trois termes indifféremment comme s'ils étaient synonymes...
Bon, cherchons la valeur du journal dans la vallée de Massat :
Glups! Les valeurs ne sont pas les mêmes au sein du canton (même si Soulan s'en ait détaché ,il n'est qu'à 4 km d'Aleu!) ça fait 43 ca de différence et peut provoquer un procès, car nos chers ancêtres étaient procéduriers !
"contient 384 perches ou 1176 cannes carrées et se divise en 6 quarterées et 24 boisseaux" , explication lumineuse qui nous indique que la perche et la canne n'ont pas la même valeur. Même les contrats de mariage peuvent être impactés, les linceuls de la dot, mesurés en cannes, sont plus petits à Aleu de 10 cm... Confirmation :
Pas de panique, c'est encore plus compliqué avec la vallée voisine ! Déjà, Mercadier ne parle plus de journal mais d'arpent, sans explication donc je présume, sans certitude, que l'unité de base est la même ...
Il y a tout de même un différence énorme entre Oust, Sentenac et Ercé et les autres ! !
Bon, on n'achète pas une terre et on ne procède pas à un partage tous les jours, voyons si, dans la vie quotidienne, ces mesures sont aussi fluctuantes. Prenons un exemple, un paysan de Massat vend un setier de grains à Oust ou inversement, le fait-il sans calcul ? Eh bien non :
Il n'y a que 12 km environ et le setier n'a pas la même contenance, il y a près d'un hectolitre de différence, comment vont se passer les négociations ?
Essayons autre chose, le charbon de bois, activité souvent annexe mais rémunératrice. Ce devrait être plus simple : un sac de charbon ou une charge doit avoir un prix et une contenance fixes :
Là aussi, la charge varie car le sac n'a pas la même dimension puisque le pan est fluctuant lui aussi ...!!
Eh bien, dites-moi, vive le système métrique ! Je vous fais grâce des mesures de sel (pourtant essentiel pour la conservation des aliments et l'élevage) de sable, de plâtre, de chaux etc...
Allons acheter un peu d'huile et nous désaltérer ! Ce casse-tête m'a asséché la gorge, un "coupet" de vin va nous ragaillardir !
Même là, il convient d'être vigilant : vous aurez un litre d'huile à Saint Paul, Nalzen ou Roquefixade (en plaine) et moins de la moitié à Massat pour une livre !
Pour le vin, allez donc boire un huchau à Nalzen (un litre), à Léran, 75 cl mais à Massat un peu moins d'un demi-litre...
J'avais rédigé ce billet après mes soirées avec Mercadier et je pensais ne pas le mettre en ligne à cause de son côté aride et technique mais si vous avez résisté jusqu'au dernier paragraphe, bravo !
Pour les généalogistes purs et durs, j'ai scanné la plaquette de Mercadier et je peux vous la transmettre. C'est passionnant mais il faut être un peu "maso" !
Second Empire : un mort en Couserans !
Les communes de montagne du Couserans sont réputées rebelles à l'ordre établi et en particulier à la conscription. Elles détiennent aussi, sans doute, un record du nombre de déserteurs et insoumis sous le Premier Empire.
Et pourtant, elles affichent leur soutien au "Prince Président", le futur Napoléon III ! Je vous laisse apprécier le style ...
(L'Ariégeois du 16 Octobre 1852)
Ce journal n'est pas en reste pour relater le succès du plébiscite qui transforme instantanément le Prince Président en Empereur Napoléon III ! et c'est sans doute préférable pour que le journal perdure... la censure ne va pas tarder à s'abattre sur la presse !
Notons tout de même qu'il y a trois opposants à Massat et un à Ustou :
Le 7 Novembre 1852, le journal reproduit la Proclamation de l'Empire :
On sent, à d'infimes détails la chape de plomb que l'Empire va mettre sur la presse. L'Ariégeois n'est pas un journal "révolutionnaire", mais il n'a jamais, non plus, fait autant de place dans ses colonnes aux lois, règlements et hommages au nouvel Empereur et à l'Impératrice...
Pourtant, j'ai réussi à trouver, dans ce contexte pour le moins guindé, une anecdote peu banale. Elle aurait été réjouissante si elle n'avait pas été fatale au pauvre homme qui en fut le héros :
( L'Ariégeois du 11 Décembre 1852)
Quelques jours plus tard, une autre brève nous apprend l'issue fatale de son apoplexie de joie...
Même la médaille de Sainte Hélène lui échappera ! Il est mort de joie mais trop tôt !!!
Accidents et code de la route
Il n’est pas rare de trouver dans les faits divers du journal l’Ariégeois, des accidents de voiture… à cheval, bien sûr ! Nous sommes dans les années 1850 à 1880 !
(L'Ariégeois du 31 Mars 1860)
Le plus souvent, ils sont dus à l’endormissement … aux rennes (j’allais écrire au volant), le conducteur, bercé par le brinquebalement de la voiture, s’assoupit puis s’endort sur le siège. Il peut être épuisé ou éméché ; en tout cas, au moindre cahot, il chute et passe sous les roues du véhicule ; gravement blessé ou mort !
D'autres accidents sont dus à l'état déplorable des chemins ; ainsi le Notaire d'Ustou a un accident à Lacourt, village situé juste avant l'entrée des vallées d'Oust et de Massat et qui est très "accidentogène", selon le terme actuel :
(L'Ariégeois du 11 Avril 1877)
L'imprudence peut aussi être en cause, la circulation ne doit pas être intense sur cette route et les enfants gambadent et jouent sans surveillance devant les maisons :
(L'Ariégeois du 8 Août 1860)
Autre cause de catastrophe possible, la mauvaise maîtrise du cheval qui peut s'emballer, nous appelons cela une perte de contrôle du véhicule...
(L'Ariégeois du 26 Mai 1860)
Notons malgré tout que ces trois derniers accidents ont lieu à peu près au même endroit ...
Pourtant la Cour de cassation publie dans les arrêts de simple police des règles à respecter et il semble bien que nous ayons ici un des premiers « code de la route » :
(L’Ariégeois du 18-7-1855)
La premier paragraphe concerne la vitesse en « ville », le second la distance de sécurité entre les véhicules et le dernier, les phares ! Pas si obsolètes ! Cet arrêt ne fait que réaffirmer la loi du 10 Août 1852, qui ne semble pas vraiment appliquée en Ariège.
Par contre, la consommation d’alcool n’est pas limitée pour les conducteurs. Mais, est-ce une intention ou une simple coïncidence, l’heure légale de fermeture des cabarets est rappelée dans les mêmes arrêts :
Et la carte postale s'invita dans la vie quotidienne
Comme tout généalogiste, je conserve précieusement les correspondances de mes aïeux et donc aussi des cartes postales mais je les vois plutôt comme des témoins de leur vie quotidienne. J'ai tendance à lire le verso avant de regarder le recto, à l'inverse du collectionneur.
Savez-vous de quelle année date la première carte postale ?
N'étant pas une cartophile « accro », je pensais qu'elles étaient plus anciennes, les premières comportant des gravures et non des photos. Or, la première carte postale est vierge de toute illustration, elle éditée par le Ministère des Postes.
Voilà l'article de l'Ariégeois du 18 Janvier 1873 qui m'a mis sur cette piste :
Mais, dans notre pays, il faut toujours se méfier de ceux qui auraient la bonne idée d'imiter cette invention et le 29 Janvier, le même journal de préciser :
A partir de là, mon instinct « fouineur » a pris le dessus : que disait cette loi du 20 Décembre 1872? Et quel aspect avait cette toute première carte postale ?
Vite des sites de cartophilie ; c'est ainsi que je viens d'apprendre qu'elles sont nommées cartes « précurseurs » dans le langage des initiés et aussi que nous avons une dizaine d'années de retard sur les Autrichiens, initiateurs de cette sublime idée.
L'homme, grâce à qui naquit la carte postale en France, fut ...un Polonais d'origine, député à l'Assemblée nationale M Wolowski. Il mit plus d'un an à faire accepter sa proposition car le Ministère des Postes craignait que ce type de correspondance, dont l'affranchissement était inférieur à celui des lettres, (10 centimes pour celles qui ne quittaient pas la même circonscription et 15 centimes pour celles qui voyageaient en France et en Algérie) ne fasse chuter les recettes.
Mais sans illustrations, à quoi ressemble-t-elle ?
Bon, pas terrible pour le look mais, si vous en trouvez chez vous, ne les jetez pas, elles se vendent entre 30 et 50 euros ! Je leur trouve un air de famille avec les cartes fournies aux Poilus qui avaient l'agrément de quelques couleurs en plus.
Comment les utiliser ? L'adresse du destinataire doit figurer sur le recto et les employés des postes doivent y apposer le timbre adéquate
(loi du 20 Décembre 1872)
Il vous reste tout le verso pour envoyer votre message.
Où peut-on se les procurer, à la poste bien sûr puisque le Ministère en a le monopole mais aussi dans les bureaux de tabac etc...
Les premières cartes postales furent donc envoyées le 15 Janvier 1873.
Mais très vite se fit jour un inconvénient majeur, certes l'affranchissement était moins cher mais tout un chacun et en premier le facteur pouvait lire la correspondance !
Et l'Ariégeois de publier dès le 12 Avril 1873, un article sur la confidentialité de ces cartes :
Des sanctions sont prévues et même les propos injurieux ou les menaces ne pourront pas faire l'objet d'une « mise au panier » comme le prévoit l'article 729 de l'instruction générale des postes ou d'une non distribution puisque la carte ne peut être lue !
Le Ministère ne garda pas longtemps le monopole puisque la loi du 7 Octobre 1875 « autorise l'industrie privée à participer à la fabrication et à la vente des cartes postales ».
A partir de là, apparaitront des illustrations, gravures dans un premier temps : la première étant une carte de la Tour Eiffel lors de l'Exposition en 1889 ( gravure de Léon Charles Libonis 1847-1901), puis des photos.