HISTOIRE
Guerre et commerce avec l'Espagne en 1808
Les « lies et passeries » sont des conventions entre vallées d'un versant à l'autre sur toute la chaîne des Pyrénées.
« On proclame la paix sous la garantie du serment et de la protection divine... la première mention des passeries (patzeria du mot paix) date de 1293 en Vicdessos » (in Du Carlit au Crabère, terres et hommes de frontières / Claudine Pailhès.- Conseil Général de l'Ariège ; Foix, 2000 ; p.149).
Le partage des estives, des eaux, l'accueil des commerçants, etc... était assuré quelque que soient les conflits entre royaumes ou comtés dont les frontières, en haute montagne étaient encore mal définies. Ce sont donc des accords entre roturiers, éleveurs ou commerçants, renouvelés chaque année à date fixe suivant les vallées ; messe, banquets et réjouissances font partie du programme de cette journée.
Pourtant les guerres révolutionnaires et napoléoniennes semblent avoir provoqué quelques accrocs dans ces passeries.
Ainsi, la guerre d'indépendance espagnole qui débuta par le soulèvement de la population madrilène le 2 Mai 1808, eut des répercussions sur le commerce transfrontalier et obligea, en Juillet, des marchands d'Aleu et de Soulan à fuir l'Espagne où ils craignaient pour leurs vies !
« lesquels nous déclare que le nom français étant en horreur auprès de cette nation depuis le passage de Charles IV et son fils en France ; poursuivis depuis cette époque sans azile et sans protection, les autorités et le peuple formant une horde de brigands pour massacrer tout individu français ; pour se soustraire à la rage et barbarie de cette nation, les comparants ont été contraints d'abandonner leurs marchandises ... »
« … pour prendre la fuite de nuit par les montagnes et les sentiers les plus difficiles... »
Leur situation paraît inquiétante, certes ceux qui rendent visite au Notaire le 22 Juillet 1808 sont saufs mais totalement ruinés, sans ressources et dans l'impossibilité de régler leurs éventuels crédits.
Qui sont-ils ?
16 personnes sont présentes.
Nous retrouvons des patronymes fréquents dans ces deux villages : Descoins, Morère, Ferran, Carrère etc presque tous suivis de l'expression « et compagnie », ce qui semble indiquer qu'ils ont en plus des employés, des apprentis ou des associés.
Ils en appellent au sous préfet de Saint Girons qui soumet l'affaire au Préfet ; le 4 Juillet celui-ci se décharge de l'affaire « ne pouvant s'occuper de discussions mercantiles comme n'étant point dans le domaine et l'attribution de l'Administration » et conseille de détailler leurs pertes chiffrées devant Notaire en espérant être indemnisés de leurs pertes plus tard « dans un temps plus calme et plus opportun ».
C'est donc cette déposition que nous avons retrouvée chez Maître Joseph Caubet, notaire d'Aleu. Nous allons découvrir ainsi le type de marchandises et les lieux de commerce outre Pyrénées, le montant des sommes engagées et les lieux « sûrs » où les produits furent cachés : nous avons ainsi 13 inventaires chiffrés
Nom du marchand |
Produits |
Évaluation |
Lieu de cache |
Jean Pierre Descoins Roquelaure |
Toilerie et étoffes en laine |
2310 fr 1770 fr 860 fr 1520 fr
819 fr 1230 fr total 9009 fr |
Couvent de Poubles Couvent de Mont blanc à Calaf à St Laurent bureau de poste à Ribère chez le curé en Andorre chez le percepteur de l'évêque |
Pierre Rougé Pignane |
2 balles de 75 kg toilerie et étoffes en laine |
2000 fr |
Chez M Carrère |
François Morère dit Tanat |
Pannes en laine, en toile, mouchoirs, toilerie et velours 75 kg ½ balle id |
1100 fr
500 fr |
À La Pouble de Segur
à Escalon |
Pierre Ferran |
Tissu, satin turc, mouchoirs id |
200 fr
100 fr
200 fr 300 fr 350 fr |
À Calaf voisin du notaire à Solsonne à St Laurent en Andorre |
Guilhaume Morère fils |
Pannes en laine, en poil, indienne, camelat, mouchoirs de Cholet et quincaillerie + mobilier et batterie de cuisine |
2969 fr
600 fr |
Dans sa maison et boutique |
Louis Soula Gat |
Toiles, mouchoirs, étoffes de laine et coton id toiles et mouchoirs |
3568 fr
940 fr 578 fr total 5426 fr |
À la douane
chez Brun à Sort |
Michel Ferran |
Toile, draperie, lingerie |
Total 1100 fr |
Chez Autou et à Sort chez le notaire |
Antoine Descoins |
Draperie, lingerie, toile ballot de mouchoirs serviettes, fichus, mouchoirs tissu |
1000 fr 700 fr 800 fr
150 fr |
À Solsonne
chez Le Sastre
à Puigcerda |
Nicolas Galy |
Quincaillerie de Thiers, Saint Etienne et Lyon |
1600 fr
1200 fr |
À Gironne chez Jazoué Sorman à Lerida chez Joseph Fort |
Louis Carrère Jutgé |
Quincaillerie |
893 fr 600 fr 250 fr
1200 fr 660 fr |
À Cerbère id chez le vitrier à Maurèze auberge du soleil à Lerida chez Marianne id chez Fourre |
Jean Tauragneau |
Quincaillerie mêlée de Thiers, Lyon et Mas d'Azil |
Total 5796 fr |
À Mousou St Martin en Aragon à Calatayou chez François aubergiste |
Laurent Morère |
Toile, lingerie, draperie id mouchoirs, draperie id |
4384 fr 255 fr 540 fr 390 fr Total 5574 fr |
En Arragon chez Altimer avocat chez M. Mora chez M. Sanchez |
Laurent Carrère |
Quincaillerie mêlée en provenance de Thiers, Nîmes et Mas d'Azil |
1426 fr |
Lérida chez Marianne aubergiste et à Cerbère chez le vitrier près de la place commune
|
Les marchands d'Aleu et de Soulan font commerce de tissu ou de quincaillerie et perdent en moyenne plus de 5000 fr chacun dans leur fuite.
…d'après le rapport qui précède, les comparants dans cet état de spoliation, sans fortune immobilière, n'ayant d'autres moyens de subvenir à l'entretien de leurs familles que les profits bien souvent fautifs de leurs spéculations mercantiles ; les uns poursuivis, les autres touchant au moment de l'être en paÿements des mêmes marchandises par les créanciers créditeurs ; n'ayant pu être considérés comme ennemi de la nation espagnole sans un avertissement préalable de la part de cette dernière et sans la concession d'un délai à évacuer leur territoire ; qu'un pareil attentat et contravention à tous les droits dans le domaine [du gouvernement] »
Les marchands demandent donc la suspension de leurs dettes à leurs fournisseurs et des indemnisations pour leurs pertes.
D'autres victimes font leurs déclarations du 28 Juillet au 28 Décembre 1808
Nom et date |
Produits |
Evaluation |
Lieux de cache |
Joseph Delort 28/7/1808 |
Balles de laine et toilerie |
5000 fr |
? |
Jean Piquemal et Cie id |
Toilerie et étoffes de laine |
9600 fr |
? |
Joseph Carrère Bessouré id |
Quincaillerie + une caisse de peignes en corne et faulx et une mule de 4 ans |
? |
? |
Carrère Etienne, Jean Louis et Jean Pierre frères 16/12/1808 |
Quincaillerie fine |
4000 fr |
? |
Souquet Louyé Pey et Paul (frères) Jean Pierre Piquemal 16/12/1808 |
Quincaillerie et mercerie |
? |
? |
Poux François et ? 28/12/1808 |
Laine en suin et toilerie |
? |
? |
; certains, comme les frères Poux commercent depuis 28 ans avec l'Espagne, les Souquet depuis 12 ans. Tous signalent des pertes importantes et soulignent la soudaineté des agressions.
En relevant les noms des principaux déclarants, nous arrivons à 27 marchands d'Aleu ou de Soulan ayant perdu leurs marchandises en Espagne.
Une catastrophe économique pour la vallée..
Les déshérités dans les vallées
Depuis un certain temps, je me pose la question du sort des déshérités et des déviants dans la vallée.
Quand on voit le quotidien du paysan-éleveur (majoritaire dans la population),il est difficile de vivre en moyenne montagne ; il faut être bien portant, costaud et endurant !
Alors, ceux qui, dès la naissance ou par accident, n'ont pas un corps « à la hauteur » de la tâche, que deviennent-ils ?
De ces handicaps ou maladies, pratiquement aucune trace dans l'état civil, dans les actes notariés, pas beaucoup d'indices non plus à moins qu'ils ne soient en filigrane. Peut-on supposer que certains apprentissages visent à pallier un handicap (cf un apprentissage retenu sur hoirie)
Quelles sources me restent-il ?
La série X : « assistance et prévoyance sociale » . Voici ce qu 'en dit le Guide des Archives de l'Ariège : « ces documents présentent un intérêt évident pour l'histoire sociale et pour l'histoire de la médecine... en particulier les sous séries 2X et 3X, une source incomparable pour l'appréhension des catégories sociales les plus défavorisées , par la naissance (enfants abandonnés ou orphelins), par l'infirmité ou par la faiblesse de revenu. (p 415)
La série Y aussi car les mendiants sont considérés comme délinquants, en particulier sous les deux Empires. Restent la sous série 8M sur l'hygiène publique et les professions médicales et la série HDT des archives hospitalières. D'autres renseignements sont épars, par exemple en 10 M « recensement de population avec mention des infirmes ; dans la série R, on trouve les motifs d'exemption... en feuilletant et en série T la scolarisation des enfants handicapés. Enfin en série U les « affaires concernant les aliénés ».
Cette longue liste qui, j'espère, n'a pas lassé mes lecteurs, me conforte dans l'idée que toutes les séries peuvent amener « du grain à moudre » au généalogiste !
Seulement voilà, dans toutes ces sources, les documents sont nombreux pour Foix, Pamiers et la partie occitane du département et beaucoup plus maigres (comme à l'ordinaire) pour le Couserans...
Les conditions de vie particulières en montagne entraînent aussi des maladies récurrentes comme le goitre et le crétinisme, dues à une carence en iode ; certaines vallées isolées en sont particulièrement affectées voici ce qu'on trouve sur Wikipédia dans l'article goitre :
Ces affections ont fait l'objet de cartes postales qui n'étaient pas faites pour vanter les "beautés" du département et que je trouve choquantes (avec mon "ressenti" du XXI° siècle...):
(Légende en rouge sous la carte : mis à la porte par sa belle-mère)
Si l'on regarde l'arrière-plan, il pourrait être fabriquant de balais et (qui sait? ) peut-être un cagot. En tout cas, il est vraiment bien habillé pour quelqu'un qui vient d'être mis à la porte : chemise blanche, gilet, costume ; aux pieds non pas des sabots mais des souliers ou des galoches, un couvre-chef que j'ai déjà vu mais où?,(vallée de Biros?) et un joli petit chiot tout blanc (un "patou"?) dans les bras ! En plus un sourire resplendissant... Une photo "fabriquée" à laquelle est ajoutée un commentaire désobligeant ; après tout, ces paysans ne savent pas lire... on peut donc ajouter n'importe quel commentaire sans scrupule ! Procédé peu honnête, j'espère que ce jeune homme aura perçu quelques piécettes en échange d'une immortalisation si dévalorisante !
« Les trois princes Colibri. Vallée de Biros, près de Castillon en Couserans. Grande route des Pyrénées- Tramways électriques de St Girons à Sentein desservant Pontaut-d'Ayer et les eaux thermales »
Ici aussi, une photo "fabriquée", les trois personnes handicapées sont au premier plan et la population du village ou hameau en arrière plan comme statufiée. Que veulent montrer ces éditeurs de cartes postales? Des "phénomènes de foire"? N'oublions pas qu'à la même époque, les cirques produisaient des femmes à barbe, des jumeaux "siamois" etc...
Nul doute que la situation sanitaire (hygiène, habitat, couchage, chauffage et alimentation) n'est pas des meilleures mais les secours aux déshérités ne sont pas non plus à la hauteur de la misère et des catastrophes naturelles.
Bref, pour survivre dans ces vallées, mieux vaut avoir le jarret solide, le dos à toute épreuve et se contenter d'une nourriture frugale. La taille importe peu, l'essentiel est d'être endurant : le mountagnol n'est pas très grand, mais surtout sec et musclé (aucun problème d'obésité!), des poings et des bras costauds aussi bien pour les travaux des champs que pour les rixes de village et, au besoin, un bon bâton ferré...
Alors qui sont ceux dont j'aimerais connaître le sort : depuis les malingres ou chétifs, les malades incurables ( au XIX° siècle) jusqu'aux handicapés physiques et mentaux mais aussi les aliénés, etc... les déshérités sociaux : enfants abandonnés, orphelins, errants, mendiants, vieillards en hospice … ou pas, victimes de « gâtisme » (démence sénile ou Alzheimer) etc
Au fur et à mesure des découvertes aux AD, un billet vous en fera part, au moins pour le XIX° siècle.
Les Bureaux de Bienfaisance
La loi du 7 Frimaire an V instaure un impôt d'un décime sur les spectacles, taxe qui sera utilisée pour soulager les pauvres, elle met ainsi en avant « le droit des pauvres ». Les années suivantes, cette loi est réaffirmée ; même sous l'Empire.
(Bulletin des loisl 1796 Gallica)
L'argent ainsi collecté doit fournir des subsides aux bureaux de bienfaisance que les municipalités sont invitées à mettre en œuvre pour gérer cet argent public réparti par les Préfets. Ces créations ne sont pas obligatoires, chaque municipalité est libre de créer un bureau ou pas.
Sous l'Ancien Régime, les fabriques de paroisse assuraient déjà les secours aux plus démunis de leurs fidèles.
Où trouver des traces de ces bureaux : dans la série X (2X16 pour Biert et Boussenac ; 2X22 pour Massat et Le Port, je n'ai rien trouvé sur Aleu et Soulan).
La création du bureau est soumis à la Préfecture, un conseil supervise la gestion et rend sa comptabilité tous les ans, les décisions d'attribuer ou non des aides est prise par ce bureau. Les fonds qui permettent de secourir les plus pauvres ou les habitants victimes de catastrophes naturelles, proviennent des versements de la taxe, des legs de donateurs et des terres municipales affermées.
En 1835, Massat répertorie les biens appartenant au bureau avec le nom des fermiers et le prix du bail :
(extrait de la comptabilité du bureau de Massat, 1835 2X22)
En 1842, le bureau établit sa comptabilité, ce qui permet de voir en quoi consistent les aides alloués aux indigents : essentiellement en nourriture et médicaments ou soins médicaux :
(Dépenses du bureau de Massat 1842 2X22)
soit 1306 fr consacrés à la fourniture de blé, farine, pain, viande et vin (ligne2), 40 fr en médicaments et 30 fr en secours à domicile ; les frais de fonctionnements du bureau ne représentent que 325fr16.
En 1851, a lieu la partition de l'immense commune de Massat et la création des communes de Biert et du Port : le bureau de bienfaisance va donc devoir scinder ses biens issus de legs et ses allocations en trois et les deux nouvelles communes vont pouvoir fonder un bureau de bienfaisance.
Dans les faits, tout se passe plus lentement !! et ce n'est qu'en 1867 que le partage a lieu, c'est à dire après la grave crise de subsistance et d'épidémie (1845-1855) !
Comment s'organise le partage ? On se base sur le nombre d'habitants de chaque commune, c'est un renseignement important quand on sait que l'Ariège ne dispose pas de recensements avant 1906 ! Il semblerait que ce fonds ait été détruit...Alors tous les chiffres sont « bons à prendre !!!
(Population des 3 nouvelles communes en 1866 2X22)
A partir de là, la répartition des fonds doit se calculer au prorata du nombre d'habitants et Massat garde environ 40% des biens :
La deuxième partie du calcul a trait à un legs de l'abbé Maurette au bureau de bienfaisance et qui a fini par entraîner bien des polémiques que nous verrons dans un prochain billet.
Le legs de l'Abbé Maurette
Si sa mère a dû être fière de voir son fils ordonné prêtre, ce qui, dans le microcosme social de la vallée, la plaçait dans une position enviable ; en revanche elle n'avait pas prévu que la vocation profonde de l'abbé allait lui réserver de mauvaises surprises !
En effet, l'abbé pratique la Charité au point de faire don de ses biens au bureau de bienfaisance de Massat dans son testament du 2 Janvier 1828. Il ajoute toutefois certaines clauses à ce legs comme secourir sa mère en cas de besoin !
Le montant du don apparaît lors du partage des biens du bureau de Massat en 1867 et des communes de Biert et du Port « nouvellement » crées … en 1851, il est mentionné à part puisqu'il ne sera partagé qu'entre Massat et Biert en excluant le Port.
Et ce legs n'est pas négligeable puisqu'il s'élève à 8505 fr :
« reste le produit du legs de Mr Maurette à diviser par moitié entre les bureaux de Biert et de Massat, soit 4252fr 50 pour chacune, ce qui fait la part de Massat à 21047fr09 et celle de Biert 14434 fr50... »
Sans doute moins charitable que son fils Barthélémy, Adèle Maurette se plaint au Préfet de l'Ariège,le 30 Mai 1857 (sauf erreur, cette lettre ne semble pas exister dans la liasse) de ne pas recevoir de secours du bureau de bienfaisance comme stipulé dans le testament ...
La même année une nièce de l'Abbé se plaint aussi au Préfet :
« Par testament en date du 2 Janvier 1828, le sieur Barthélémy Maurette, prêtre, mon oncle, laissa tout son bien au bureau de bienfaisance de Massat et de Biert pour être distribué aux pauvres, en recommandant à Messieurs les exécuteurs testamentaires ses parents de Biert et de Massat jusqu'au 4° degré inclusivement.
Je viens vous exposer Monsieur le Préfet, ma position, je suis mère d'une nombreuse famille, mon mari ne peut suffir par son travail à notre entretien, dénuée de tout moyen d'existence, me trouvant cependant dans la catégorie des parents que le sieur Maurette, mon oncle, a recommandé d'une manière formelle, malgré tous mes droits, je me suis adressée plusieurs fois aux administrateurs qui m'ont toujours renvoyés avec des promesses... »
Le Préfet demande d'autres informations au sous Préfet de Saint-Girons qui adresse cette lettre au bureau de bienfaisance de Massat :
« Sous la date du 30 Mai dernier vous m'avez fait l'honneur de me transmettre, avec les pièces de l'instruction, une lettre par laquelle la Dame Adèle Maurette se plaint de n'être pas secourue par le bureau de bienfaisance de Massat, contrairement aux instructions de son parent M. Maurette qui a fait un legs en faveur de cet établissement.
Il résulte des explications fournies que la réclamation de la Dame Maurette n'est pas fondée et je pense, dès lors, qu'il n'y a pas lieu de donner suite à l'affaire dont dont il s'agit.
Toutefois je verrais avec plaisir que les bureaux de Biert et du Port, qui ont participé au bénéfice du legs [erreur pour le Port qui n'a pas touché un centime du legs] consentissent à faire quelque chose en faveur de la réclamante. Je vous prie de bien vouloir les y inviter »
Le bureau de bienfaisance s'est aisément disculpé de faillir au soutien d'Adèle Maurette :
« Depuis que le bureau de bienfaisance a été autorisé à accepter cette donation, les parents du bienfaiteur qui sont nombreux et spécialement la Dame Adèle Maurette, n'ont cessé de recevoir chaque semaine un secours en pain, d'obtenir tous les médicaments et soins nécessaires en cas de maladie et de recevoir même des sommes d'argent lorsqu'ils éprouvaient des besoins plus pressants;c'est ainsi que l'été dernier encore, la Commission administrative a fourni à la Dame Adèle Maurette, les moyens de faire reconstruire la toiture de sa maison d'habitation qui s'était écroulée... »
Tous les plaignants sont donc déboutés : le testament est inattaquable et le bureau tient des comptes précis des secours accordés. La grande parentèle de l'abbé devra s'en satisfaire et s'incliner : les biens légués serviront à soulager tous les habitants indigents ou pauvres de Biert et de Massat...
Pourquoi la commune du Port ne profite-t-elle pas du legs ? Elle est plutôt moins prospère que Massat et Biert ; l'abbé l'a-t-il « oublié » ? Ou décédé avant la partition n'a-t-il pas imaginé que Le Port deviendrait une commune à part entière ? C'est le plus vraisemblable.
Boussenac trop pauvre...pour aider ses pauvres !
Pourquoi Boussenac n'a-t-elle pas de bureau de bienfaisance puisqu'elle est une commune à part entière dès la Révolution ?
Les Maires n'ont-ils pas fait les démarches nécessaires ou la solidarité palliait-elle les difficultés de chacun sans avoir recours à une structure établie ; à moins que la fabrique de l'église ne les prenne en charge. Les plus défavorisés ou les indigents de Boussenac n'avaient-ils aucun secours ? Je n'ai aucun indice, aucun document pour privilégier l'une de ces trois hypothèses...
D'après les archives, il semble que ce ne soit qu'en 1884, le 21 Septembre que le Conseil municipal vote la somme de 200 fr « pour la fondation d'un bureau de bienfaisance dans cette commune, afin de pouvoir recueillir les offrandes qui lui ont été offertes pour les indigents, notamment une de 500fr, et prie l'autorité supérieure d'en autoriser d'urgence la création. »
Mais le 20 Février 1885, la création du bureau est rejetée car il faut « la possession d'un capital en immeubles ou en espèces produisant un revenu annuel de 50fr dont serait doté le nouvel établissement :
(2X16 AD 09)
« Par lettre du 20 Févier 1885, j'ai eu l'honneur de vous informer qu'il ne serait donné une suite favorable à cette affaire que si la commune profiiait de la possession d 'un capital en immeubles ou en espèces produisant un revenu annuel de 50 fr dont serait doté le nouvel établissement »
Si je comprends bien cela signifie que la commune est trop pauvre pour aider ses pauvres !!! Elle a pourtant 700 fr, pas une fortune, certes comparé à Massat dans les années 1842 qui disposait de 44.000 fr !
Finalement, après une protestation de la Mairie de Massat le 28 Septembre 1888 :
« Monsieur le Préfet, vous m'avez adressé avec un avis favorable la délibération du Conseil Municipal de Boussenac tendant à obtenir la création d'un bureau de bienfaisance dans cette commune.
Il résulte des renseignements fournis que, pour assurer la dotation de cet établissement, le Conseil Municipal a voté l'allocation d'une somme de 700 fr.
D'un autre côté, le sieur Pujol a suivant acte du 25 Septembre 1882, pris l'engagement de verser une somme de 50 fr dans les caisses du bureau de bienfaisance dès qu'il aura été créé.
Le revenu de ces libéralités qui est évalué, dans votre avis à 60 fr environ vous paraît susceptible d'assurer l'existence et le fonctionnement de l'établissement charitable. »
Finalement, après bien des tractations, le bureau de bienfaisance fut créé par décret du 6 Décembre 1889 :
"d'un décret du 6 Décembre 1889 autorisant 1° la création d'un bureau de bienfaisance dans la commune de Boussenac ; 2° Le Maire de cette commune et la commission administrative de cet établissement à accepter le don manuel d'une somme de 556 fr30 fait par les héritiers du sieur Pujol, en vue de la création d'un bureau de bienfaisance. »
Quatre ans pour cette création ! La lenteur de nos autorités administratives ne datent pas d'aujourd'hui...
Mais ne trouvons aucun compte sur les aides fournies par le bureau pour cette commune dans les archives...