Les déshérités dans les vallées
Depuis un certain temps, je me pose la question du sort des déshérités et des déviants dans la vallée.
Quand on voit le quotidien du paysan-éleveur (majoritaire dans la population),il est difficile de vivre en moyenne montagne ; il faut être bien portant, costaud et endurant !
Alors, ceux qui, dès la naissance ou par accident, n'ont pas un corps « à la hauteur » de la tâche, que deviennent-ils ?
De ces handicaps ou maladies, pratiquement aucune trace dans l'état civil, dans les actes notariés, pas beaucoup d'indices non plus à moins qu'ils ne soient en filigrane. Peut-on supposer que certains apprentissages visent à pallier un handicap (cf un apprentissage retenu sur hoirie)
Quelles sources me restent-il ?
La série X : « assistance et prévoyance sociale » . Voici ce qu 'en dit le Guide des Archives de l'Ariège : « ces documents présentent un intérêt évident pour l'histoire sociale et pour l'histoire de la médecine... en particulier les sous séries 2X et 3X, une source incomparable pour l'appréhension des catégories sociales les plus défavorisées , par la naissance (enfants abandonnés ou orphelins), par l'infirmité ou par la faiblesse de revenu. (p 415)
La série Y aussi car les mendiants sont considérés comme délinquants, en particulier sous les deux Empires. Restent la sous série 8M sur l'hygiène publique et les professions médicales et la série HDT des archives hospitalières. D'autres renseignements sont épars, par exemple en 10 M « recensement de population avec mention des infirmes ; dans la série R, on trouve les motifs d'exemption... en feuilletant et en série T la scolarisation des enfants handicapés. Enfin en série U les « affaires concernant les aliénés ».
Cette longue liste qui, j'espère, n'a pas lassé mes lecteurs, me conforte dans l'idée que toutes les séries peuvent amener « du grain à moudre » au généalogiste !
Seulement voilà, dans toutes ces sources, les documents sont nombreux pour Foix, Pamiers et la partie occitane du département et beaucoup plus maigres (comme à l'ordinaire) pour le Couserans...
Les conditions de vie particulières en montagne entraînent aussi des maladies récurrentes comme le goitre et le crétinisme, dues à une carence en iode ; certaines vallées isolées en sont particulièrement affectées voici ce qu'on trouve sur Wikipédia dans l'article goitre :
Ces affections ont fait l'objet de cartes postales qui n'étaient pas faites pour vanter les "beautés" du département et que je trouve choquantes (avec mon "ressenti" du XXI° siècle...):
(Légende en rouge sous la carte : mis à la porte par sa belle-mère)
Si l'on regarde l'arrière-plan, il pourrait être fabriquant de balais et (qui sait? ) peut-être un cagot. En tout cas, il est vraiment bien habillé pour quelqu'un qui vient d'être mis à la porte : chemise blanche, gilet, costume ; aux pieds non pas des sabots mais des souliers ou des galoches, un couvre-chef que j'ai déjà vu mais où?,(vallée de Biros?) et un joli petit chiot tout blanc (un "patou"?) dans les bras ! En plus un sourire resplendissant... Une photo "fabriquée" à laquelle est ajoutée un commentaire désobligeant ; après tout, ces paysans ne savent pas lire... on peut donc ajouter n'importe quel commentaire sans scrupule ! Procédé peu honnête, j'espère que ce jeune homme aura perçu quelques piécettes en échange d'une immortalisation si dévalorisante !
« Les trois princes Colibri. Vallée de Biros, près de Castillon en Couserans. Grande route des Pyrénées- Tramways électriques de St Girons à Sentein desservant Pontaut-d'Ayer et les eaux thermales »
Ici aussi, une photo "fabriquée", les trois personnes handicapées sont au premier plan et la population du village ou hameau en arrière plan comme statufiée. Que veulent montrer ces éditeurs de cartes postales? Des "phénomènes de foire"? N'oublions pas qu'à la même époque, les cirques produisaient des femmes à barbe, des jumeaux "siamois" etc...
Nul doute que la situation sanitaire (hygiène, habitat, couchage, chauffage et alimentation) n'est pas des meilleures mais les secours aux déshérités ne sont pas non plus à la hauteur de la misère et des catastrophes naturelles.
Bref, pour survivre dans ces vallées, mieux vaut avoir le jarret solide, le dos à toute épreuve et se contenter d'une nourriture frugale. La taille importe peu, l'essentiel est d'être endurant : le mountagnol n'est pas très grand, mais surtout sec et musclé (aucun problème d'obésité!), des poings et des bras costauds aussi bien pour les travaux des champs que pour les rixes de village et, au besoin, un bon bâton ferré...
Alors qui sont ceux dont j'aimerais connaître le sort : depuis les malingres ou chétifs, les malades incurables ( au XIX° siècle) jusqu'aux handicapés physiques et mentaux mais aussi les aliénés, etc... les déshérités sociaux : enfants abandonnés, orphelins, errants, mendiants, vieillards en hospice … ou pas, victimes de « gâtisme » (démence sénile ou Alzheimer) etc
Au fur et à mesure des découvertes aux AD, un billet vous en fera part, au moins pour le XIX° siècle.
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