aujols-Laffont

D comme Demoiselles

De solides "mountagnols", pas très grands mais durs à la marche et à l'effort, qui se déguisent en femmes ! Une chemise de leurs compagnes fait l'affaire, du noir de fumée (il n'en manque pas dans les cheminées) pour se noircir le visage : voici les "Demoiselles" qui ont mené une guerre contre le Code Forestier qui les acculait à la ruine et les condamnait à mourir de faim et de froid...

En 1829, ce code entend réglementer l'usage des forêts ; si, dans certaines contrées du Nord, il a pu être un progrès, pour le Couserans, c'est un cataclysme! En effet, les paysans avaient des chartes signées depuis "des temps immémoriaux" (en fait, vers le XIII° siècle) par les seigneurs successifs qui leur garantissaient un usage libre des forêts, nécessaire à la survie de la communauté souvent au bord de la disette.

Dés la promulgation du code, les gardes forestiers multiplient les amendes, confiscations de bétail et arrestations, ce qui est conforme à la nouvelle loi mais que le petit cultivateur-éleveur ne peut accepter. Le paysan ne peut plus ramasser de bois  de chauffage, encore moins du bois de construction, le pacage des bêtes à laine, des chèvres et "bêtes à grosses cornes" (les bovins) sont interdits, même le glanage peut être sanctionné : glands pour les porcs, feuilles servant de complément de fourrage, fruits sauvages (faînes pour l'huile, châtaignes) et champignons. Avec des exploitations qui ne dépassent pas 2 ou 3 hectares (prés inclus), souvent moins depuis que le droit d'aînesse n'est plus reconnu (ce qui entraîne un morcellement des terres ou un indivis dont on ne peut se libérer) ; cette loi, c'est la misère assurée et les mauvaises années la disette voire la famine dans ces montagnes qui sont déjà surpeuplées...

Alors la vallée de Massat se soulève (mais aussi Buzan, Saint Lary et bien d'autres), harcèle les gardes forestiers et les charbonniers qui dévastent la forêt au profit des riches maîtres de forge et font bien plus de dégâts que le simple paysan et ses deux brebis ou sa vache. C'est une véritable guerre de harcèlement, on rosse l'adversaire à coups de bâtons ferrés que tout montagnard emmène dans ses déplacements, à la moindre alerte le "illet" retenti ( cri, appel entre les bergers) et les paysans les plus proches accourent à la rescousse, les femmes mettent les enfants à l'abri. On rosse mais on n'emploie pas d'autres armes que celles du quotidien, on ne tue pas. On parade aussi : à Massat, 300 puis 600 Demoiselles se montrent en plein jour mais personne ne les reconnait !!! ni le Maire, ni le Curé, bien que tout le monde, sans doute, puisse mettre un nom sur chaque visage malgré leur grimage... Tout un pays est complice parce que tout un pays souffre et est menacé dans sa survie.

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                                                                                                       Musée Pyrénéen de Niaux

La "Guerre des Demoiselles" aurait pu être une jacquerie sanglante, mais je pense que, si les Massatois sont rebelles dans l'âme à tout ce qui leur est imposé de l'extérieur, de Paris ou même de Toulouse, s'ils sont violents lorsque leur honneur ou leur survie sont en jeu, ils s'en tiennent à une bonne correction sans idée de tuer : cette guerre qui dura 2 ans n'a fait que 2 morts mais elle eut des résurgences de moindre ampleur jusqu'en 1870.

Qui a porté chemise? Tous et chacun, la Demoiselle était un cultivateur ou un pâtre qui, le lendemain, apparaissait comme un villageois tranquille, tous anonymes comme les Chouans avant eux ou les Résistants ensuite.

Combien de Laffont del Cardaÿre parmi  eux ? Comme j'aimerais être "au cantou" dans l'oustal de mes ancêtres et écouter les récits, les projets d'embuscade, les inquiétudes de la famille et plus tard les légendes !



04/06/2015
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