O comme Outre-mer
Après les guerres de la Révolution et de l'Empire et l'hécatombe qu'elles ont provoquée, la conscription est toujours aussi redoutée et haïe en Ariège. celui qui part "aux armées" n'est jamais sûr de revoir son village, et, d'un cœur lourd, sans doute, il s'en va dicter son testament chez l'un des deux Notaires de Massat ! Et il fait bien !
Dans cette société pauvre et en majorité analphabète, les habitants doivent ignorer l'expansion coloniale qui marque la seconde moitié du XIX° siècle et pourtant certains d'entre eux vont apprendre le décès de leur enfant survenu dans des îles dont ils ne soupçonnaient même pas l'existence !
Deux enfants de Boussenac décéderont dans l'Océan Indien : Joseph Galy Cabeilh, né le 24 Mars 1834, fils de Jean-Pierre et Marie Teichené Rabious, meurt à l'hôpital de Saint Paul sur l'île de la Réunion (anciennement île Bourbon), le 1° Avril 1859. La cause du décès n'est pas indiquée, sans doute de fièvres.
Joseph Massat, né lui aussi à Boussenac, le 28 Septembre 1812 de Jean et Marie Claustre, recruté sous le matricule 2402, soldat au 200° RI dans la 11° compagnie, rend l'âme à Majunga sur l'île de Madagascar, à l'hôpital militaire, le 3 Novembre 1895. L'acte sera enregistré au pays le 21 Janvier 1896.
Enfin Charles François Sentenac, né à Aleu meurt, dans le Pacifique, le 15 Février 1865 à Papeete, île de Taïti. Agé de 35 ans, il est sergent dans l'Infanterie de Marine et fils de François et de Jeanne Viros .
Essayons de comprendre ce qu'ils allaient faire dans ces territoires éloignés !
A Tahiti comme à la Réunion, il s'agit surtout d'assurer la présence française, il n'y a pas de troubles dans ces îles. Ces deux soldats sont sans doute morts de maladie, il n'est pas sûr que le climat tropical ait convenu aux montagnards, d'autant que les remèdes contre les fièvres (paludisme, malaria ou fièvre jaune) n'existaient pas.
Par contre, à Madagascar, l'île ne sera "pacifiée" et sous administration française que le 6 Août 1896, sous le commandement du Général Gallieni. En 1895, elle est encore sous les effets d'une guerre civile qui a débuté 9 ans auparavant, à la suite de l'insurrection des Menalamba, ce qui explique la présence des régiments français . Il est possible que Joseph Massat ait été blessé au combat ou dans une action de guerilla.
Un détail m'interpelle tout de même : les futurs soldats font tous leur testament en indiquant "partant pour les armées" comme si ce départ était synonyme de mort presque inévitable ; or d'autres migrants : les colporteurs, les oussailhers quittaient leurs vallées pour des années, partaient parfois aux Amériques voire plus loin sans faire leur testaments (en tout cas, je n'en ai trouvé aucun) et ils exerçaient ce que nous appellerions "des métiers à risque" !
L'inconscient collectif est-il à ce point marqué par les soldats qui ne reviennent pas ? Rappelons que même en 1870, les soldats ne portaient pas d'identification individuelle. Un enfant soldat est-il potentiellement un enfant mort ?
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