Q comme Querelles d'instituteurs
Bien avant les lois Guizot du 28 Juin 1833 et même les lois Ferry de 1880, auxquelles tout le monde pense, a priori, en terme d'instruction publique, il semble bien qu'il ait existé, dans les vallées couserannaises des écoles !!!
On peut légitimement se poser ces questions, faute de législation claire à leur sujet : où étaient-elles situés, comment étaient recrutés les enseignants, par qui étaient-ils rémunérés ?
Voici un témoignage daté du 1827 de l'instituteur du Port qui ressemble à une délation contre son "collègue" de Massat...Lui a été recruté par l'Eglise :
On ne peut pas contester que cet instituteur ait une très belle écriture mais il semble bien ambitieux, jaloux et vénal (il faut avouer qu'il ne fera pas fortune au Port dans le premier tiers du XIX° siècle, si l'école est payante ! Tout le monde parle patois, personne ne sait signer : aller à l'école , c'est du temps perdu...Garder les bêtes, les nourrir, filer, aider ; ça s'est utile ! Même après les lois Ferry certains parents veulent s'affranchir de l'obligation même si la gratuité est faite pour les inciter à scolariser leurs enfants !
Alors en 1827, une école payante ne doit pas être très fréquentée et l'instit doit à peine survivre :
"chargé de cet emploi dont l’exécution me prend de plus en plus à cœur : vu que tout croupissait dans la plus grande ignorance. Aujourd’hui voyant que la plupart de mes élèves restent chez eux à cause que les parents ne peuvent point, pour des raisons de détresse me donner la modique rétribution de 15 sous par mois pour les commençants et 1 fr 5 sous pour ceux qui écrivent, tarif qui me fut donné par Mr le Curé quelques jours après son arrivée et auquel je me suis soumis quoi qu’il tourna à mon désavantage..."
D'autant qu'un autre instit exerce à Massat et qu'il semble être plus à l'aise que lui, en tout cas il a un salaire fixe versé par la Mairie , il est donc à l'abri des difficultés pécuniaires des parents “éclairés”:
“Mr Doubaud, vous demander pour l’avantage de tous ces habitants de vouloir bien avoir la bonté de m’indiquer un moyen pour obtenir une gratification de notre communauté qui a imposé, il y a déjà longtemps la somme de 400fr à ce sujet, somme donnée par MM les administrateurs de Massat à des instituteurs qui n’ont aucune autorisation ni aucun diplôme et qu’il leur sera très difficile d’obtenir à cause de leur conduite peu honnête et très peu chrétienne. Car M. Servat qui fait l’office non seulement d’instituteur primaire mais encore de secondaire n’a donné des preuves de catholicité que dans l’année du jubilé qu’il a dit-on gagné : mais non ses Pâques, il ne m’appartient pas d’examiner la question de savoir si un confesseur peut absoudre un instituteur postiche”
Mais à part la délation, quelle est donc la requête de l'instituteur du Port ? Une rémunération bien sûr , il indique même où trouver les fonds :
"Voyant donc qu’il y a 400 fr d’imposés de laquelle somme M.Servat profite de 300 et les autres de 100 fr on le donnait par considération à un ex et vieux instituteur qui maintenant vient de quitter Massat pour se retirer auprès de ses parents à Ustou. Je ne sais si on donnera le tout à Mr Servat puisqu’il a la Mairie en sa faveur, il en est lui-même le secrétaire… Je vous supplierais, mr, en soumettant ma demande à la sagesse et à la prudence de Sa Grandeur s’il serait possible d’en obtenir une modique partie comme dépendant de la communauté de Massat et je serai content et satisfait de ce que Sa Grandeur [veuille] daigner me faire fixer pour lors les jeunes enfants de la succursale du Port ne seront pas obligés à me donner autant, les parents se trouveront soulagés et encouragés et je pourrait mieux répondre aux désirs de Mr le Curé qui veut que sur 5 enfants, j’en prenne un des pauvres gratis."
Mais il précise bien qu'il n'est pas ni envieux ou un jaloux :
"A Dieu ne plaise, Mr, que ce soit la jalousie du métier comme l’on dit qui me fasse parler de la sorte. Je ne pense pas non plus manquer à la sainte vertu de charité qui selon que le déclare Saint Paul est la plus excellente des vertus théologales mais je crois au contraire, que ce soit une bonne œuvre que d’instruire les supérieurs en silence (gardez-moi toujours, je vous en prie, sous le sceau du secret) sur des abus qui existent mais qu’ils ignorent, abus qui ne régneraient nullement, j’en suis bien persuadé, si nos supérieurs ecclésiastiques en avaient connaissance."
Je ne sais pas comment vous percevez ce Mr Espaignac qui adresse sa missive à Mr Doubaud, sans doute un proche de l'évêque ? Soyons sympas avec lui, il gagne peu et, en tout cas il le dit, il veut éduquer les enfants. Ceci dit, à sa décharge, mais il a une attitude de délateur, de jaloux et d'envieux qui ne “colle” pas avec la dévotion chrétienne qu'il dit pratiquer : lui, fait ses Pâques... l'Autre, pas toujours On se croirait devant un Tribunal d'Inquisition au temps des Cathares à certains moments !!!
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