aujols-Laffont

S comme "Se Canto"

Je vais essayer de vous raconter cette histoire ou plutôt de vous la conter (que les vrais conteurs me pardonnent mon audace) :

                                                                                   Tric et Trac

Un jour de Décembre 1950, une petite fille naquit à Bernay dans l'Eure, en Normandie. En grandissant, elle comprit puis parla un peu le patois de son pays de naissance mais elle apprit aussi, de sa grand-mère Marguerite, une chanson que personne ne comprenait à Bernay.

Elle l'apprit donc phonétiquement, absolument comme Mémé (et Maman) la chantaient. Elles lui avaient expliqué que c'était une chanson d'amour et que les amoureux étaient bien tristes d'être séparés par de hautes montagnes.

Toute jeune fille, elle suivit ses parents qui déménagèrent vers le Sud, à Montpellier. A cette époque, les conversations étaient encore émaillées, même parmi les jeunes, de mots et d'expressions en Occitan. Elle finit par en comprendre quelques bribes, les sons et la musique de cette langue lui rappelaient la "chanson de Mémé".

Vers les 45 ans, elle fut atteinte par un virus peu dangereux mais incurable : celui de la généalogie... Etant alors documentaliste dans un collège de l'Aude, elle demanda à Mathieu, le prof d'Occitan, si "sa chanson" était bien d'ici... Déception, les paroles n'étaient pas tout à fait exactes, pas tout à fait occitanes...

Elle se souvint alors que Mémé l'emmenait sur la tombe de Pépé François (son père) qui était né à Boussenac près de Massat en Ariège. Elle devait se rendre dans ce village ! A la Mairie, elle se plongea dans les registres ; puis, devant l'accueil chaleureux de la Secrétaire de Mairie, elle osa parler de la "chanson de Mémé" qu'elle connaissait si mal. Et toutes deux commencèrent à chanter, mais à chanter les mêmes paroles !! La chanson, "sa" chanson était donc la vraie, celle de Pépé François, à laquelle, il est vrai, il manquait un peu d'accent tonique. Le "Se Canto" s'était donc transmis, en Normandie, sur 4 générations dont 3 ne parlaient pas un traître mot du patois de Massat. Et cette chanson lui mouille toujours les yeux...

A François, qui repose en terre normande, elle a amené de l'eau de la fontaine des Eychards (son hameau de naissance) pour rafraîchir sa tombe et lui rappeler ses montagnes ...

                                                                                             Et Tric et Trac

se canto 1.PNG                                                           se canto 2.PNG
                                                 Le texte est attribué à Gaston Phoebus, Comte de Foix (1331-1391)

Dernière anecdote sur cette chanson, toujours harcelée par mon virus, je me suis inscrite au DU de généalogie à l'Université de Nîmes, dès ma retraite en poche. Venant de Carcassonne, je logeais le plus souvent dans des hôtels à bas coût ; or un Jeudi soir, tous ces hôtels étaient complets. Je dénichai la dernière chambre disponible dans le coin (un peu plus chère) et je croisais nombre de joyeux drilles quinquagénaires du style supporters de rugby ou de foot, qui me "charrièrent" gentiment. Je m'installais et me mit à travailler sur mon mémoire, le temps pressait, plus qu'un mois et demi de rédaction et mise en page. Soudain j'entendis en bas sur la terrasse le même groupe entonnant le "Se Canto" du Couserans ! J'avoue que j'ai abandonné mon travail et me suis accoudée à la fenêtre pour chanter avec eux. J'y pense maintenant c'étaient peut-être les supporters de Luzenac, équipe minuscule à l'échelle du pays, et qui a fait des prodiges dans le championnat de France.

J'ai repris le travail avec un enthousiasme décuplé, comme si Pépé François était venu m'encourager à écrire l'histoire de sa famille...



22/06/2015
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