acte d'Etat civil, acte futile
Nous avons vu le peu de cas que faisaient les "mountagnols" de l'Etat civil oubliant, sciemment ou non, de déclarer les naissances et parfois même les décès ce qui génère un nombre impressionnant d'actes de notoriété.
Mais là où je voyais un genre de résistance passive aux institutions venues d'ailleurs, il faut peut-être voir seulement un désintérêt et une perte de temps... Ces actes civils sont considérés comme sans valeur contrairement aux sacrements !
En voici deux exemples concernant des mariages civils, malheureusement suivis rapidement de la dictée d'un testament par l'un des deux "époux". Je mets le mot entre guillemets et vous allez voir pourquoi :
Au col d'Orbeu, le 23 Mars 1825, Laurent Peyrounie Petchet vit ses derniers instants, il s'est marié avec Catherine Rivère Montgiraud le 27 Janvier 1825.
"Je déclare être marié civilement seulement avec Catherine Rivère Montgiraud, mais n'avoir jamais co-habité avec elle et n'avoir jamais eu des fréquentations qui puissent me faire croire que je doive avoir des enfants de ce mariage civil : de sorte que je puis librement disposer de tous mes biens, d'autant que j'ai perdu tous mes ascendants..."
Quand j'ai trouvé ce testament, j'ai pensé que ce couple faisait partie de la Petite Eglise et avait attendu le moment de se rendre à Toulouse pour recevoir la bénédiction nuptiale par un prêtre anciennement dit "réfractaire". La famille de Laurent s'est alliée avec les Loubet de Paule et a compté quelques adeptes dans ses rangs, pourtant Laurent demande "trente messes basses et dix messes hautes" et précise encore "par les prêtres desservant la paroisse de Massat". Cela ne va pas du tout avec les préceptes des Petchets qui refusent de recevoir les sacrements de prêtres concordataires donc, ou Laurent n'est pas adepte ou il abandonne cette dissidence à l'article de la mort. Mais pourquoi son mariage n'a-t-il pas été consommé car c'est bien ce que nous dit le notaire en mots choisis ?
J'en serais toujours à m'interroger si je n'avais pas trouvé un autre testament, d'une femme cette fois, qui aille dans le même sens. Jeanne Sablé Teichenné dicte son testament le 6 Septembre 1837 à Maître Galy Gasparrou :
" Je ratifie la donation d'usufruit que j'ai faite en faveur dudit Antoine Laffont del Cardaÿre auquel je suis mariée civilement seulement et par conséquent je n'ai pas d'enfant de ce mariage civil et j'ai perdu tous mes ascendants..."
La jeune Jeanne, elle n'a que 18 ans à son mariage le 5 Août 1837, se remettra de son inquiétante maladie et vivra jusqu'à 53 ans. Le mariage religieux sera sans doute célébré puisqu'elle donnera 9 enfants à Antoine.
Mais ces deux mentions qui auraient pu paraître anodines, nous révèlent que, dans la mentalité des habitants de la vallée de Massat, le mariage civil n'a aucune valeur : il n'autorise ni la cohabitation ni la consommation. J'aime beaucoup le "par conséquent" de Jeanne qui affirme cette anomalie comme une évidence ! Seul le passage par la bénédiction nuptiale est une réelle union.
Pierre Loubet de Paule, diacre de la Petite Eglise, aura plusieurs filles qui ne pourront pas se marier religieusement à Massat et qui auront des enfants naturels. Barbe aura deux enfants sans se rendre à la Mairie et Louise, un puis, elle ira convoler civilement avant la naissance de 4 autres bambins.
Cela me semble suffisant pour réviser mon opinion, les "oublis" fréquents des déclarations en Mairie sont une manifestation du peu d'importance qu'on leur accorde plus qu'une résistance passive, leurs falsifications pour éviter la conscription procède peut-être de la même conviction. A papier futile, la falsification n'est pas ressentie comme un délit...
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