L'affaire du catafalque de Massat
La série U nous révèle bien des conflits locaux, surtout la Justice de Paix ! Ici, c'est un conflit politique qui surgit et, comme les Massadels ont la réputation d'être entiers et de s'enflammer facilement, voici le résultat !
En 1815, à la chute du régime impérial, il semble qu'à la faveur de la Restauration, certains royalistes de Massat aient fait ériger un catafalque à la gloire de Louis XVI dans l'église !
Qu'en pensent les napoléoniens, qui sont encore nombreux et les Républicains ? Ils sont choqués, c'est sûr ! Une crise se prépare, comment le curé ne l'a-t-il pas vue venir en autorisant ce catafalque ? Il connait mieux que tout autre ses paroissiens puisqu'il les entend en confession !!!
Revenons aux archives qui vont nous révéler les détails de l'affaire ;
n° 21 L'an 1816, le 12 Janvier par devant nous Jean Louis Pagès, juge de Paix du canton de Massat
est comparu Mr Jean-Baptiste Amiel, habitant de Massat qui nous a dit que par exploit de Boirie huissier en date du 8 du courant enregistré, il a fait citer ce jourd'huy par devant nous les sieurs Florentin River, chevalier membre de la Légion d'honneur et le sieur Jean Jacques Adrien Degeilh, percepteur à vie de la commune de Massat tous deux y habitant pour si concilier si faire se peut sur la demande qu'il est dans l'intention de former en justice contre eux et qui tant à les faire condamner à remettre en son premier état le catafalque que le requérant avait fait construire l'année dernière pour célébrer l'anniversaire de notre bon Roy martir, que les dits sieurs River et Degeilh se sont permis d'enlever dans le mois de Mars dernier de la tribune de l'église paroissiale de Massat où ils montèrent avec une échelle à main, le précipitèrent au bas dans un grand fracas, le portèrent sur la place publique du dit Massat où après avoir mutilé et fusillé la figure du meilleur de nos roix et de son auguste famille, enlevèrent tout ce qu'ils purent et mirent le feu au reste. Le dit requérant demande que soit remis dans son premier état aux frais des assignés par le sieur Roques, peintre à Toulouse selon le devis qui en sera fait par M Servat Cazennie adjoint à la mairie de Massat et faute de ce que les dits sieurs River et Degeilh soit condamnée à payer solidairement au requérant une somme de 3000 fr avec frais sans préjudices d'autres fins et concluzions à prendre dans le cours de l'instance." (AD 09 cote 9U569)
Seulement, les deux mis en cause : Florentin River et Jean Jacques Adrien Degeilh se déclarent innocents, refusent la conciliation et demandent même d'aller en correctionnel
Le sieur Florentain River chevalier de la Légion d'honneur a aussi comparu et dit qu'il ne peut dissimuler qu'il est plus que étonné que une semblable inculpation lui soit faite puisqu'il n'a participé en rien au fait que on luy impute, que fut-il coupable ce qui est insignement faux il est bien et dument opposant à l'action que luy intante le sieur Amiel attendu que ce dernier est sans qualité, qu'il proteste d'hore et déjà de nullité de toutes les poursuites qui sont ou pourraient être faites contre luy à ce sujet.
En conséquence dit encore le dit sieur River qu'il n'y a pas lieu de conciliation et demande le renvoi devant le tribunal compétent où il espère obtenir son relaxe pour les raisons qu'il déduira en plaidant sans préjudice à lui dit River des actions qu'il a acquises ou pourra acquérir contre le dit Amiel comme calomniateur et desquelles il fait une réserve expresse.... signe
est aussi comparu le sieur Jean Bruno Degeilh fondé de pouvoir du sieur Jean Jacques Adrien Degeilh, son frère, par acte sous seing privé en date du 11 du courant et dit qu'il se présente pour ledit Jean Jacques Degeilh son frère uniquement pour obéir à la justice, qu'il ne peut avoir lieu à conciliation sous aucun rapport entre le dit sieur Amiel et luy puisqu'il insiste au reget de son action et de ses demandes extraordinaires pour toutes les exceptions dont les lois luy permettent de faire usage requis de signer a signé"
Le Juge de Paix, malgré son nom, n'est pas là pour juger mais pour concilier et ainsi éviter d'aller en justice correctionnelle, il propose souvent des indemnisations pour arrêter la plainte mais, comme ici, cela ne marche pas toujours !!
Nous en avons la preuve dans cette affaire puisque le Juge de Paix remet le dossier à une autre juridiction :
Et n'ayant pu concilier les parties les avons renvoyés par devant le tribunal compétent pour leur être fait droit ainsi qu'il appartiendra, avons dressé le présent procès verbal que nous avons signé avec notre greffier.
Seulement regardez bien les signatures des deux mis en cause dont l'un est percepteur à vie de la vallée, elles sont beaucoup aisées et belles que celle du juge de Paix lui-même !!! Ils ne font pas partie du peuple illettré, mais ce sont des notables .
Qui est le plaignant ? Il est juste dit "habitant de Massat" et dans le document nous n'avons pas sa signature ...
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