aujols-Laffont

Comme tout "mountagnol", Joseph est un bon marcheur et dès le 16 Avril, un témoin le rencontre "venant du Rieuprégon"(hameau de Boussenac). Personne ne cherche à l'éviter, personne, non plus, ne semble surpris de le revoir et tous sont curieux qu'il leur raconte son évasion ! Il s'entretient ainsi avec plusieurs de ses voisins et des membres de sa famille. Il ne parait pas soucieux de vraiment se cacher même s'il dort dans une de ses bordes plutôt que chez lui.

Les seuls qui aient une attitude ambigüe sont les membres de sa belle famille et son épouse ! D'ailleurs voici ce que déclare le commissaire de police de Massat, le 17 Avril, à Monsieur le Procureur Impérial :

J'ai l'honneur de vous informer que le nommé Rivère Joseph dit Loussail inculpé de crime d'infanticide et qui cest évadé des prisons de Foix dans la nuit du 14 au 15 courant a reparu aujourd'hui dans la commune du Port (au quartier de Salvis) son domicile. Informé du fait par la femme même de l'inculpé, j'ai donné avis à la gendarmerie qui immédiatement a pris ses dispositions pour cerner le hameau et garder les issues par lesquelles l'individu aurait des chances d'évasion, de mon côté accompagné de deux gardes, je me suis rendu directement au lieu qui m'avait été indiqué comme sa retraite mais l'éveil avait été donné, en voyant sa femme prendre le chemin du village du Port, Rivère a pris le chemin de la montagne et échappé à nos investigations."

Et les gendarmes étant sur place en profitent pour interroger ceux qui ont rencontré Joseph dont un de ses oncles qui souligne que l'évasion "a été tout à fait accidentelle et improvisée " mais ajoute aussi que son neveu "aurait manifesté des projets de vengeance à l'égard de sa femme et de son beau-frère".

Il faut dire que leur rôle dans l'affaire est plus que trouble ; la belle-mère de Joseph raconte :

"Depuis que mon gendre Joseph Rivère Loussail s'est évadé des prisons de Foix et qu'il est rentré dans le pays, il n'était pas encore venu chez moi, parce qu'il se méfie de mes fils qu'on lui a dit l'avoir fait arrêter après son évasion de la cazerne de la Gendarmerie de Massat. Il vint seulement Samedi dernier, 25 Avril courant vers neuf heures de la nuit pour voir son épouse, qui depuis l'arrestation de son mari, s'est retirée chez moi et pour l'engager à rentrer au domicile conjugal au hameau de Salvis. Vainement nous lui fîmes les plus vives instances pour le faire entrer dans ma maison ; il s'y refusa obstinément pour le motif de méfiance dont j'ai parlé plus haut et ne voulut point passer le seuil de la porte."

On comprend le peu d'empressement de Joseph à rendre visite aux personnes qu'il soupçonne de l'avoir trahi !!! Mais il ne semble pas se douter que sa propre épouse est allée, dès le 17, le signaler à la gendarmerie, démarche qui parait avoir étonné le commissaire lui-même, dans cette vallée où la cohésion de la population est entière contre les forces de l'ordre...

Son épouse témoigne être "pour lui un objet de méfiance et qu'il a de l'humeur contre moi", avouez que, s'il est innocent, on en aurait à moins ! Elizabeth ne regagnera pas le domicile conjugal et pourtant une petite Marie, fille de Joseph ou déclarée comme telle, verra le jour le 15 Mars 1858.

Le 20 Avril 1861 tombe le verdict et la condamnation à 20 ans de travaux forcés :

Quelque chose m'intrigue tout de même dans l'intitulé du chef d'accusation : " infanticide mais avec des circonstances atténuantes", à quoi est due cette relative clémence ? A-t-il tué oui ou non son enfant ?

Je vous ai prévenu, nous n'avons pas le dossier du procès et c'est bien dommage... il reste deux petites chances d'en savoir plus sur les événements survenus dans la nuit du 24 au 25 Février 1857 : la presse relate en général les procès d'Assises et les Archives d'Outre-Mer détiennent le dossier des transportés. Celui de Joseph est communicable.