O comme Or
Et bien non, je ne vous parlerai pas des orpailleurs ! Depuis l'Antiquité, il est de notoriété publique que certaines rivières de l'Ariège charrient des sables aurifères, mais jamais, orpailleur n'a fait fortune, ça se saurait !
De l'or blanc, je ne vous parlerai pas non plus, les stations de ski remplissent leurs caisses quand la neige veut bien adapter ses chutes aux vacances scolaires...
Non, je vais vous parler de « l'or gris » qui est à la portée du paysan. Oh, pas de quoi faire une grosse fortune mais au moins de quoi sortir de l'autarcie, d'acheter des terres, bref de vivre mieux.
Quel est cet or gris ? Où le trouver ? Comment en tirer profit ?
Le voilà, cet « or » :
Des cailloux, certes, mais pas n'importe quoi ! Il s'agit d'un grès schisteux qui va produire des pierres à aiguiser parmi les meilleures d'Europe. A aiguiser quoi ? Les faux, nous sommes au XIX° siècle et l'agriculture n'a pas été encore touchée par la motorisation, les couteaux, les ciseaux pour tondre les moutons etc... Un vaste marché.
Plusieurs acteurs vont pouvoir profiter de cette manne : le mineur, découvreur du filon, celui qui aura les fonds pour établir un atelier de taille et façonnage et enfin le colporteur qui parcourra la France, l'Espagne et parfois plus loin pour commercialiser les pierres. Il peut aussi vendre les étuis de cuir destinés à les accrocher à la ceinture.
Or, l'autre nom de ces schistes, c'est la « pierre d'Aleu ».
La vallée de Massat ne dispose d'aucune autre ressources minérales ; pas de fer comme à Vicdessos, pas de marbre comme à Riverenert, pas de talc comme à Luzenac ; elle a la pierre à aiguiser et du bois à charbonner pour alimenter les forges de ses voisines, des muletiers pour le transport ; sinon il faut aller gagner l'argent au loin.
Sur l'extraction, nous savons peu de choses, les mines peuvent être à ciel ouvert ou non et là, faute de moyens pour étayer correctement, des accidents sont à craindre.
Pour établir un atelier de transformation, il faut une « mise de fonds », ce qui n'est pas à la portée du simple paysan et la proximité d'une rivière pour entraîner les machines. C'est donc au Castet d'Aleu que s'établit en 1860, « une usine de polissage de pierres à aiguiser les faux » au bord du turbulent Arac :
Nous avons une description détaillée de cet atelier grâce (ou à cause...) d'un meunier situé en amont et qui se plaint que les barrages de dérivation des eaux de l'Arac empêchent son écoulement naturel (en 1898). Ces usines ont été fondées « par les sieurs Géraud Chrysostome et Souquet Pierre Loup, elles appartiennent depuis 1895 à la veuve Soum.
Il semble qu'il y ait eu aussi un atelier à Soulan, mais je n'ai rien trouvé pour l'instant.
Il est difficile aussi de déterminer qui colportait les pierres, en effet, les passeports n'indiquent que « marchand ambulant » sans se soucier du contenu de la Caïsha, en tout cas, ils devaient, vu la charge, être plus à plaindre que leurs collègues marchands de rubans ou d'objets de piété et à égalité avec les colporteurs d'almanachs !
Je sais que vous mourrez d'envie de voir la fabrication de ces pierres et le produit fini mais il faudra attendre le V de ce challenge, car il existe encore un atelier et je vais vous le faire visiter...
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