Z comme Zut, jurons et insultes en Couserans
Nos ancêtres avaient un langage "fleuri" mais l'église veillait à ce qu'aucun blasphème ne fut proféré, ainsi en Occitan, "milladious" (mille dieux) était un juron fréquent et qui n'insultait en rien la religion chrétienne. En Ariège, les jurons les plus entendus sont "foc del ciel" qui fait référence à la foudre destructrice et parfois mortelle, réaction à une nouvelle surprenante (l'équivalent normand serait "c'est pas Dieu possible") et surtout "Diou me damne" qui expose un certitude, en gros, si je ne dis pas la vérité "que Dieu me damne". En Français, les jurons aussi furent travestis pour éviter le blasphème comme "palssembleu", à l'origine, "par le sang de Dieu". La personne accusée de blasphème risquait une lourde peine : en 1766, le Chevalier de la Barre a été torturé, décapité et brûlé pour avoir juré le nom de Dieu, il n'avait que 21 ans... Il était donc préférable d'être prudent.
Par contre, les injures proférées contre les humains étaient, pour le moins, explicites. Personne n'ignore la tradition du charivari qui sanctionnait une conduite répréhensible : un mariage mal assorti, une vie dissolue, un cocufiage et le voisinage se déchaînait, la jeunesse l'exprimait à grands renforts de chants, de tambours, de chaudrons frappés, le soir sous les fenêtres des "coupables".
Voici deux exemples, j'ai masqué les patronymes des victimes dans celui-ci :
" prévenus d'avoir publiquement, à diverses reprises et pendant la nuit, provoqué et menacé les requérants de la manière la plus affreuse, d'avoir chanté des chansons les plus obscèneset dans lesquelles ces derniers sont signaléscomme putassiers et cornards : d'avoir ensuite crié qu'Antoinette était une putain et que sa fille Marie Jeanne était la putain de Pierre, que ces deux dernières étaient deux coquines, que les putassiers entrainet dans leur maison par devant et en sortaient par derrière, que celui qui épousera la dite Marie Jeanne portera des cornes : que lui André était un cornard, un cornadas : qu'ils ne se soient encore permis plusieurs fois, et de nuit, de promener avec des flambeaux au village et porté, avec des vociférations terribles, devant la maison des requérants, un mannequin de paille à figure d'homme ayant des cornes..."
Ici, Antoinette S et sa fille Marie Jeanne portent plainte, le 14 Avril 1820, pour avoir été victimes d'injures chantées, ce qui ne semble pas adoucir les moeurs. Il semble que la transgression étant notoire (Jeanne vivant effectivement hors mariage avec Pierre), le juge aurait pu être indulgent envers les coupables :
et pourtant "en punition de quoi les a condamnés et condamne à un emprisonnement d'un mois, à une amende de 50 fr à payer aux dits ... pour leur tenir lieu de dommages, une somme de 150 fr liquidée à la somme de 115 fr 22 centimes, à ce non compris les frais subséquents s'il y a lieu, le tout payable solidairement et avec la contrainte par corps...."
En 1819, le 17 Juillet, autre chanson injurieuse à l'encontre de Jeanne Piquemal Lagoueillat, veuve de Jean Galy Fals, vivant au hameau des Eychards. Elle dénonce un attroupement public à 11 heures du soir "ayant troublé la tranquillité publique". Les coupables qu'elle désigne seraient :
" Gabriel et Baptiste Laffont del Cardaÿré, fils de Jean Laffont del Cardayre dit Cafele, à Jean Piquemal Lagorre fils de Barthélémy, à Jean Galy Fajou fils d'autre Jean et audits Jean Laffont del Cardaÿre, Barthélémy Piquemal Lagorre et Jean Galy Fajou, pères des dénommés ci dessus, tous habitants de Boussenac... "
Ces jeunes mineurs incriminés (tous présents parmi mes collatéraux ainsi que la plaignante !) seront déclarés coupables, et leurs parents condamnés aux dépends à 52 fr 85 centimes et à 15 fr d'amende ! Un amusement juvénile dont les parents et surtout les jeunes ont dû se souvenir ! Les soirées animées au hameau des Eychards pouvaient coûter cher...
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