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Une grand-mère biculturée

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Marguerite, Geneviève Laffont, ma grand-mère maternelle, est née à Bernay dans l'Eure, le 2 Mai 1891, d'un père Ariégeois (François Laffont) et d'une mère originaire de la Manche, Marie Virginie Grandin, née à Cambernon près de Coutances.

Elle aimait beaucoup parler de ses parents et raconter sa jeunesse. Elle m'emmenait souvent sur la tombe de ses parents au cimetière Sainte Croix, et moi comme tous les enfants j'écoutais, passionnée, ces histoires d'antan.

 

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Je partis donc, beaucoup plus tard, en recherche généalogique, lestée d'un patrimoine oral varié dont faisait bien sûr partie le « Se Canto » en patois.

Dans ma tête d'enfant, je n'avais pas réalisé que Mémé était « biculturée » et il est difficile de commencer une recherche en se trompant de région !! Quand ma grand-mère disait : « chez nous », je pensais Normandie et elle pensait Ariège !!

Ai-je galéré à cause de cette méprise : « chez nous, l'aîné fille ou garçon hérite de tout » et moi de chercher dans le vieux droit normand une trace de cette aînesse absolue (après tout, il y a bien une reine en Angleterre, pays colonisé par les Normands) sans succès bien sûr ! En disant "chez nous", Mémé parlait de l'Ariège !  J'eus aussi du mal à intégrer que la langue maternelle de François était le Gascon mâtiné de Languedocien qu'on parle à Massat

 

Mémé racontait aussi un dialogue entre ses parents : "François ben aqui !", "Per que fa?", "Per travailla !" ; "Soum malade !" ;;; "pour manger la soupe aux choux !" : "soum pou malade". Dialogue improbable et bilingue, Marie Virginie aurait-elle appris quelques expressions de son époux? Ou, le grand-père, par jeu, feignait-il de ne pas comprendre lorsqu'elle lui demandait une aide en Français... en tout cas, il le parlait parfaitement et comprenait particulièrement le menu du jour !!!

 

La découverte du sobriquet des Laffont laissa une bonne partie de la famille incrédule et dubitative, personne ne l'avait entendu en Normandie. Jean, le petit fils de François, mon cousin issu de germain, pense encore que c'est une de mes inventions...Et pourtant, l’acte de naissance porte bien le patronyme « Laffont del Cardaÿre ». Le cardeur, je l’ai d’ailleurs retrouvé, ce cardeur, lorsqu’il dicte son testament en 1750, il s’appelle François, il est l’aîné et a donc conservé l’oustal. Il est vraisemblable que son père était lui-même cardeur (et se prénommait Jacques) ; il avait 3 fils : François, Pey Jean, Raimond et au moins une fille (Paule mariée à Jacques Massat Jacoy). Je descends de Raimond, le plus jeune des trois qui était tisserand comme son autre frère Pey Jean.

 

Maintenant, plusieurs dizaines d’années après le décès de ma grand-mère, comment démêler les anecdotes et légendes que j’ai encore en tête et savoir de quelle origine elles sont ?

Ainsi, le bocal rempli de calvados dans lequel ma grand-mère mettait des pétales de lys blanc à macérer chaque année, devait être un remède normand (calva oblige)... eh bien non ! C'est un remède typiquement ariégeois sauf qu'ici on emploie plutôt l'alcool de prunes distillées par le bouilleur de cru. Mémé avait adapté la recette à son environnement normand.

Ces pétales appliquées sur les plaies, les piqûres infectées et changées 2 fois par jour faisaient merveille : en quelques jours, la plaie nettoyée se fermait...Ma mère et moi l'avons maintes fois expérimenté avec un succès assuré ! Ce remède est cité dans " Vieux remèdes des Pyrénées" 

 

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Il faut que je plante des lys blancs pour faire mon bocal, ceux de Maman sont épuisés maintenant !

 

Pour terminer voici l’histoire du « grand Flandrin » bien que je ne sache pas s’il est Ariégeois ou Manchot ; je crois vous l'avoir déjà racontée mais sur plus de 320 billets publiés, je ne sais plus où est cette histoire et après tout dans les veillées, les récits étaient souvent répétés et Mémé adorait raconter l'épopée de ce chasseur de fantômes et moi j'étais, à chaque fois, sous le charme du talent de conteuse de ma grand-mère...

 

Flandrin est costaud et, contrairement à tout son entourage, il ne croit pas aux fantômes (cela ne nous donne aucun indice sur son origine géographique car cette croyance est aussi vive dans les pays de bocage qu’en Ariège…) voici donc son exploit :

Tout le village est effrayé, des fantômes se baladent, dès la tombée de la nuit autour du cimetière et la fontaine est sur ce chemin. Bilan, les femmes ne vont plus chercher l’eau, à la nuit tombée, les hommes, dont ce n’est pas la tâche n'y vont pas non plus même pour les protéger.. Il faut faire cesser le problème au plus vite !

Après avoir fait raconter toutes les histoires de rencontre avec les revenants, le tonton courageux et peu superstitieux, fut convaincu que les fantômes pouvaient prendre une bonne « rossée ».

Un soir, il se déguisa en femme (ce déguisement rappelle les Demoiselles Ariégeoises) et s’arma d’un bon gourdin bien solide (un bâton ferré de berger ?) et s’en vint traîner vers le cimetière. Très vite, il croisa trois fantômes qui faisaient, eux aussi, une promenade nocturne ; ils étaient vêtus de blanc, faisaient des bruits de chaînes et poussaient des hurlements à glacer le sang. Flandrin ne se laisse impressionner ni par les cris ni par le nombre des entités de l’autre monde, s’avance vers eux et leur flanque une bonne raclée à coups de gourdin … Les fantômes disparaissent en hurlant, et le village retrouva sa sérénité ; pourtant trois jeunes gens ne purent se lever le lendemain, ils étaient couverts de « bleus » !

C’est tout de même sécurisant d’avoir dans ses collatéraux, un chasseur de fantômes !!!



04/08/2020
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