aujols-Laffont

Je sais cela peut paraître une question loufoque (j'en ai parfois sur le mode de vie de nos ancêtres!)

Depuis longtemps je pensais que les itinéraires de nos Anciens différaient du tracé des routes actuelles mais certains de ces chemins peuvent avoir disparu sur le terrain comme dans les mémoires...Pour preuve les récits d'accidents dans le col de Port ne « collaient » pas avec le tracé de la route actuelle.

Et puis, au hasard de mes recherches, toujours très instinctives plutôt qu'organisées...je suis tombée sur ce devis de 1792 qui définit et chiffre la création d'un chemin (pas encore une route!) de Massat au col de Port et toute la première page en définit le tracé Pourquoi ? Sans doute parce qu'il devait différer de l'ancien chemin !

Emplacement : ce chemin commencera à la sortie de la place de Massat dans l'alignement du portail de l'église entre le clocher et les maisons qui bordent cette place du côté du midi, il laissera sur la droite le chemin actuel traversera en ligne droite le cimetière et la rivière de Massat jusqu'au pied du côteau du Bignal où commencera la côte de Massat à col de Port cette côte contournera sur la droite le dit côteau du Bignal à celui de Biros ensuite elle passera sur le côteau de Saradele qu'elle contournera sur la gauche ainsi que les côteaux de l'Escoudent, de Cole, d'Espies, de Riverot, du Four, des Eichars, de Caougnous, de Jacoï, de Faroune, des Bordiettes, des Brusquets et des Calettes et ira se terminer à col de Port ; après avoir parcouru sans tournans cet espace par différentes lignes de pente toutes en montée dont la plus rude n'exédera pas 4 pouces 2 lignes par toise lesquelles donnent ensemble une longueur 6845 toises et une hauteur d'environ 365 toises... »

  La réalisation de ce chemin nécessite beaucoup de travaux onéreux et il semble que pour minimiser le coût, il faille éviter de traverser les hameaux qui pourrait entrainer des expropriations plus chères et plus compliquées (cette clause n'est pas explicitement expliquée dans le projet mais sous entendue)

Un autre facteur entre en compte : la pente sur le tracé ne doit pas être trop rude ! Entendez pour les charrois de matériaux, les charrettes individuelles, le muletage et même les mollets des piétons.

Il ne faut pas oublier aussi que le fer des mines de Rancié dans la vallée de Vicdessos alimentaient les forges de Massat et que le charbon de bois, certes moins lourd, prenait le chemin inverse.

Voici donc un devis de 21 pages qui propose de simplifier la liaison entre les deux vallées mais son tracé pose encore bien des problèmes :

« L'avenue de Massat depuis la place de l'église jusqu'au pied du côteau du Bignal formerait la première partie de ce devis mais comme il doit être fait pont dans cette avenue sur la rivière qu'elle traverse et qu'on ne peut donner le plan, devis et détail estimatif de ce pont qu'après qu'on aura pu sonder l'emplacement où il doit être établi, nous nous bornerons à dire ici que cette avenue aura 226 toises de longueur en ligne droite et une pente en descente d'environ 2 pouces... »

Là encore, comment faisait-on pour traverser la rivière ? Un gué ? Un pont de bois?

Empiéter sur les terres de particuliers n'est pas simple non plus et nécessite souvent de nombreuses tractations, on ne cède pas le moindre pouce de terrain facilement et à bas prix...

« L'entrepreneur indemnisera les particuliers à raison des dommages qu'il pourra leur causer sauf ceux qui seront dus à cause des fonds qui seront pris pour l'emplacement du chemin, lesquels seront payés par le département ; il supportera tous les cas fortuits et mettra les ouvrages à leur entière perfection ... »

Outre le pont qu'il faudra chiffrer par la suite, quel sera le coût de ce « chemin » ?

Un contrôleur est en charge de la vérification des travaux et de leur qualité, il est payé 40 sols par jour aux frais de l'entreprise, mais il n'y a pas de somme globale indiquée dans le devis. Les rédacteurs doivent bien connaître la vallée et savoir qu'on peut s'attendre à de mauvaises surprises tout au long du chemin, on trouve le coût des matériaux et le montant des salaires.

Ce projet de « chemin » s'inscrit aussi dans une vision plus large de désenclavement de la vallée :

 Route de saint Girons à Tarascon en Foix

"Devis de construction de la partie depuis Massat au col de Port sur 7071 toises de longueur"

Le tracé ressemble beaucoup à la route actuelle qui évite la traversée des différents hameaux indiqués pourtant sur les panneaux.

 Si cela vous intéresse j'ai scanné le dossier complet (mais il ne comporte aucun schémas). On le trouve en 3O148 consacrée à la voirie départementale, une autre partie des dossiers sur la voirie se trouve en série S.