Délits de coupe de bois
Décidemment nos ancêtres avaient peu de respect pour la forêt, à moins qu'ils n'aient eu d'autres choix pour se procurer du bois de chauffage et de construction...
Sans doute pour donner le temps aux arbres de se développer et à la forêt de se régénérer, certains bois sont « mis en défense » sous la Révolution. Il faut dire que plus d'un siècle auparavant M. de Froidour avait déjà mis en garde sur l'état de délabrement des forêts en Couserans !
Pour faire respecter ces interdictions d'exploitation surveiller les bois, il existe un corps de « garde bois » mais durant leurs tournées, ils sont seuls et n'ont d'autre arme que le procès verbal comme sanction envers les contrevenants, autant dire rien...Les délinquants, eux sont légion... seul bémol les deux parties sont originaires de la vallée et ils se connaissent : comment sanctionner un parent, un proche ou un voisin ? Mais il faut bien établir quelques constats sous peine d'être accusé de laxisme...dilemne !
Donc dans la même liasse que les conseils de famille, nous trouvons 16 constats de délits forestiers commis dans les bois « en réserve », à mon sens, il doit y en avoir beaucoup plus... mais certains ont dû être sciemment « oubliés » !
Etudions ces constats de plus près : que nous apprennent-ils ? Les bois vandalisés, les essences d'arbres les plus prisées, le nombre d'arbres abattus, leur âge entre 6 et 8 ans en général donc pas de très gros arbres (sans doute plus longs à débiter pour en faciliter le transport...la tronçonneuse n'existe pas!) et bien sûr les noms des délinquants et du garde bois ; enfin leurs réactions : fuite, indifférence ou rébellion !
« mis en réserve par la dite commune, il y a vu François Loubet Sounet demeurant au parsan de las Fonteles en la dite commune qui chargeait une pièce de bois de chêne sur son dos pouvant avoir un pan et demi de tour à la souche que n'ayant audit bois il fut le le déverser à l'endroit dit le Bosc del lac et lui demanda pourquoi escequ'il avait pris cette pièce qui était de la longueur de 17 pans au dit bois réservé, que le dit Loubet luy répondit qu'il se foutait de luy, disant que les autres prenaient du bois qu'il voulait en prendre luy aussi, que cependant Loubet laissa la dite pièce à son pouvoir et se retira... »
« a la dite commune et mis en réserve par elle, il a vu le citoyen Jean Rivère Mongiraud (fils del comte) habitant à la susdite commune, qui mettait en fagot 12 pieds d'arbre essence de hêtre qu'il venait de couper dans le susdit bois de Gasquet, âgés de 10 ans, de la longueur d'environ 12 pans chacun et dont le plus gros pouvait avoir un pouce et demi à la souche ; que lui aiant représenté la gravité de son délit et pourquoi il avait ainsi contrevenir à la loi et lui a répondu que l'extrême besoin qu'il avait de ce bois lui avait fait oublier dans ce moment la soumission qu'on lui doit ; qu'après cela il a tenté de le séduire par une offre d'argent en le sollicitant vivement de ne point dénoncer son délit aux autorités préposées... »
La plupart des habitants de la vallée n'ont que très peu d'argent en "monnaies sonnantes et trébuchantes", le numéraire est rare mais il existe d'autres valeurs sures comme ...l'eau de vie !
« qu'ayant voulu s'approcher les dits Joseph Caujolle et ladite Marie Servante, ils ont pris la fuite et abandonné le dit bois et le dit Paul agent resta le dit Jean Marie luy ayant observé qu'il était en délit qu'il ne pouvait pas ignorer que la commune eut mis en réserve le dit bois, il luy répondit qu'il était dans son tort et le pria de n'en rien dire aux autorités constituées préposées à le punir qu'à ces conditions il luy donnerait de l'eau de vie que le dit Jean Marie refusa et luy répondit que quant il luy en donnerait une barrique il n'irait pas contre la foi du serment qu'il avait prêté relatif à la commission de garde bois, ajoute que malgré luy ledit Paul Rivère chargea un cheval et un âne dudit bois ce qu'il ne put empêcher se trouvant seul. De tout quoy le dit Jean Marie est venu nous faire le présent rapport qu'il a signé avec nous... »
En tout cas les contrevenants ne semblent pas avoir conscience de détériorer la forêt : ils ont besoin de bois, ils vont en chercher au plus près et nous retrouverons ce même comportement après la promulgation du code forestier et la « Guerre des Demoiselles »
L'Ariège n'est pas la seule région à avoir connu ces coupes sauvages, les même méfaits sont relatés par l'auteur du blog sur la Chapelle Rablais dont vous trouverez le lien sur la première page du blog, nous avons beaucoup de sujets en commun et il est toujours instructif de comparer, n'hésitez pas à lui rendre visite !
Quelle est l'ampleur de ces vols en vallée de Massat (il faut bien se dire que le délit affecte toutes les vallées du Couserans voire de l'Ariège et des Pyrénées) ?
Certains « coupeurs » sont « raisonnables » et prélèvent moins d'une dizaine de pieds sans doute nécessaires à leurs besoins mais d'autres sont de véritables dévastateurs :
« Les dits Joseph Caujolle et Marie Servante de son dit père qui coupaient et venaient de couper récemment 82 arbres dont 20 essence de chêne, 49 essence de hêtre et 11 de noisetier pouvant avoir ceux de chêne pouvant avoir 2 pouces et 1pouce et demi de tour à la souche ceux de hêtre un pouce et demi à la souche et ceux de noisetier 1 pouce de tour aussi à la souche, de la longueur ceux de chênes d'environ 10 pans, ceux de hêtres d'environ 10 pans et ceux de noisetier d'environs 8 pans... »
à moins qu'ils ne coupent pour plusieurs familles ou pour en faire le commerce ?
« terroir dudit Massat mis en réserve par ladite commune, il a vu les citoyens Jean Baptiste Amiel de Pourès fils de Jean , Marie Subra Conseille femme de Jean Loubet Braquet et Thomas Cabau Bourdalé fils de feu Bernard qui coupaient et venaient de couper récemment savoire le dit Amiel 80 pieds d'arbres essence de hêtre de la longueur de 10 pans pouvant avoir la moitié de 4 pouces de tour à la souche et l'autre moitié de 2 pouces ; la dite Subra 67 de la longueur de 7 pans épaisseur de 2 pouces à la souche et le dit Thomas Cabau 80 de la longueur de 10 pans la moitié de la de l'épaisseur de 4 pouces de tour à la souche et l'autre moitié de 2 pouces, que se trouvant seul il n'a pu se saisir du dit bois, qu'il leur a seulement observé qu'ils étaient en contravention ils ne luy ont rien répondu et qu'il s'est retiré... »
Il faut bien constater que ces garde bois font un travail peu motivant même s'ils paraissent fiers d'avoir prêté serment, ils sont seuls à intervenir et sont l'objet de moqueries, de tentatives de corruption ou pire d'ignorance pure et simple et le bois « volé » s'en va tranquillement, chargé sur des ânes, sous leurs yeux ! Pour les contrevenants qu'elle est la sanction qui les attend ? Sans doute une amende, peu élevée sans doute, puisque tous semblent s'en moquer éperdument !
Nous n'avons ici que les procès verbaux, il y aura ensuite un jugement mais il ne figure pas dans la liasse et les délits de ce genre sont tellement nombreux que pouvoir associer un jugement contenu dans un autre registre au PV équivaut à chercher un arbre dans une forêt...ou expression plus connue « une aiguille dans une meule de foin » !!!
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