E comme Etre catholique à Boussenac
C’est évident, il n’y a aucun Protestant dans la vallée et très peu en Couserans, nous en aurons un autre témoignage dans un billet suivant ou alors ils abjurent.
Par contre, ce n’est pas facile d'être Catholique et de pratiquer car Boussenac n’est pas une paroisse sous l’Ancien Régime et elle n’a ni église ni cimetière : elle fait partie de l’immense paroisse de Massat !
Alors, pour pratiquer sa religion, il faut être bon marcheur, endurant et pas frileux, accessoirement porter un bon bâton ferré contre les loups encore nombreux, car, les hameaux dispersés de Boussenac dépendent de la collégiale de Massat !!!
(Conseil de la Fabrique de l'église paroissiale de Massat 13 Septembre 1844)
« considérant que la paroisse de Massat a une trop grande étendue puisqu’elle renferme plus de 6000 âmes et que 5000 environ sont dispersées dans des hameaux fort éloignés pour la plupart.
Considérant que l’église de Massat est éloignée de plus de 4 km de cette partie de la section de la Bernède qui demande à être adjointe à la nouvelle succursale à ériger.
Considérant la difficulté des chemins qui, pendant la saison rigoureuse sont impraticables pour un bon nombre des habitants de ce quartier à cause de la grande quantité de neige qui couvre le pays pendant une bonne partie de l’hiver.
Considérant enfin qu’il ne peut résulter que de grands avantages de l’érection de ladite succursale pour les hameaux de la Bernède qui désirent se réunir
Arrête à l’unanimité : art 1 L’érection en succursale du quartier du Saraillé dans la paroisse de Biert et de partie du quartier de la Bernède dans la paroisse de Massat, loin de présenter des inconvénients ne présente que de grands avantages et le Conseil [de la Fabrique] fait des vœux pour que cette érection se réalise promptement… »
Ces distances ne tiennent pas compte de hameaux très isolés comme Ensenou ou excentrés comme les Arils.
Bon, pour le baptême, ce sont les parrain et marraine qui se fatiguent mais le bébé a tout de même intérêt à être costaud s’il naît en hiver !
Quand il faut descendre les décédés au cimetière en hiver, c’est plus compliqué et certains attendront sous la neige que les chemins redeviennent praticables au Printemps…
Mais comment font les curés et les vicaires pour affronter de telles conditions et administrer les derniers sacrements ? Au plus fort de l’hiver, certains défunts doivent être privés des secours de la religion … et pour la famille croyante (et superstitieuse), cela doit être insupportable : en l’absence du Saint Viatique, c’est une « mâle mort » !!! Le mort n’est pas apaisé et peut revenir interpeller les vivants…
Que faire ? Il faut un curé ou même un vicaire, dont le salaire est moindre, à Boussenac mais où le domicilier : il n’y a pas d’église et encore moins de presbytère ! les hameaux sont tellement dispersés, où implanter et comment financer ces constructions très coûteuses ?
De son côté, la Communauté de Boussenac, consuls et syndics, adressent une supplique à l’Intendant d’Auch dont ils dépendent, M. Detigny, pour réclamer la construction d’une église qui à l’époque n’en comporte aucune (au début de mes recherches, c’est ce qui m’a le plus dérouté : Boussenac est une commune après la Révolution mais n’a jamais été une paroisse avant ; donc pas de BMS, enfin si, mais à Massat mais il faut le savoir !!!)
Donc tout commence bien dans la supplique et la Marquise de Rochechouart, seigneuresse dudit lieu, donne son appui à la demande :
" A Monseigneur Detigny, intendant en Navarre, Béarn et généralité d'Auch,
Les consuls, sindics et communauté de Boussenac, diocèze de Couserans, ellection de Comminges ont l'honneur a représenter humblement à votre Grandeur, Monseigneur, qu'il y a un très long temps que cette communauté soupire pour avoir une église succursale dans ledit lieu de Boussenac pour l'éloignement qui se trouve de près de 3h de chemin de la résidence de la plus grande partie des habitants jusques à l'église de Massat , leur paroisse et qu'il en est mort sans sacrement surtout dans la rigueur de l'hiver, les prêtres n'ayant pu leur administrer à cause de la grande quantité de neige qui tombe ordinairement dans le dit lieu situé dans les extrêmités presque des Pyrénées, le seigneur évêque diocezain a si fort reconnu la nécessité indispensable de bâtir cette église qui est selon le désir aussi de Madame la Marquise de Rochechouart, seigneuresse dudit Boussenac qu'il a enfin commis le promoteur de son officialité pour vérifier le comodo et incomodo ouro "
Seulement voilà, en bons gestionnaires les membres de la Communauté envisagent le financement de la construction… ils étalent leur pauvreté et le poids des impôts, réclament l’établissement d’un nouveau cadastre pour les alléger car ils les empêchent, eux, si bons chrétiens, de financer cet investissement !
Au lieu d’apitoyer l’intendant, cela lui donne une « porte de sortie », sa réponse concerne moins la construction d’une église pour le salut des âmes que les demandes de réduction d’impôts !! Il propose même, si j’ai bien compris d’en instaurer un autre pour réaliser le projet pieux !
" Nous intendant en Navarre, Béarn et généralité d'Auch, ayant aucunement égard aux fins et conclusions de la requête cy-dessus des consuls, sindics et communauté de Boussenac en Couserans , déclarons n'y avoir lieu de permettre quant à présent l'imposition sur ladite communauté de la somme de 200 livres pour l'achat du local destiné à la construction d'une église succursale et d'un presbytère, ladite communauté a un temps plus opportun pour faire cette dépense. Permettons au surplus aux Consuls, sindics et habitants dudit lieu de lever par imposition au marc la livre de la taille jusques et à concurrence de la somme de 1300 livres en 4 années "
Rien à attendre de lui, pour l’instant, sa réponse date du 31 Janvier 1760 ; et pourtant l’église du Rieuprégon fut terminée en 1774 : une nette amélioration pour certains hameaux mais pas pour les plus isolés !
D’autres églises sont prévues dans la vallée, nous verrons dans un prochain billet, les inévitables tractations et péripéties que suscitent ces projets.
Curieusement nous retrouverons des difficultés comparables pour l’implantation des écoles après les lois Ferry…
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