F comme Facteur des Postes
François Laffont del Cardaÿre, mon arrière grand-père, a fait sa carrière comme facteur ; alors, pour mon mémoire de DU à Nîmes, je me suis procurée le déroulement de sa carrière ; par contre, le mode de recrutement dans les Postes à la fin du XIX° siècle restait opaque. Peu, très peu de renseignements précis et sur le net et dans les documents fournis par l'Administration. Comment François avait-il eu l'idée de postuler et comment avait-il été reçu ou accepté? Y avait-il un concours, un examen ? Certes, il avait fréquenté l'école et savait lire et écrire mais je ne trouvais pas de critères de recrutement établis. Cela laissait une zone d'ombre que je n'aime pas avoir dans la vie de mes ascendants.
Heureusement, je lis énormément... mais mon budget s'en ressent et j'explore souvent les sites d'occasion et les bouquinistes. Pour un prix très modique, j'ai trouvé ce livre et j'ai sauté dessus :
Si vous avez des ancêtres "postiers", des demoiselles du téléphone ou des installateurs de lignes, c'est une mine d'informations : le recrutement, les tâches des facteurs ruraux et urbains, leur uniforme, les horaires de travail et les rémunérations ; vous trouverez tout !!
Vous verrez aussi que la boutade : PTT= Petits travaux tranquilles, est archi fausse car les conditions de travail étaient très dures !
Les conditions de recrutement pour les facteurs étaient assez surprenantes :
"Les facteurs : un singulier recrutement. Les emplois sont réservés en priorité aux militaires comptant au moins 4 années de service, non gradés pour les facteurs ruraux ; sous-officiers, brigadiers ou caporaux pour les facteurs de ville.
Quant aux candidats civils, ils sont proposées pour la forme, par l'Administration des PTT mais en réalité choisis par le Préfet qui les nomme en tenant compte de recommandations souvent politiques." (op.cit. p. 49-50)
Nous trouvons confirmation de ce mode de recrutement dans le Journal "L'Ariégeois" du 13 Avril 1861 :
Comme François (2 ans en Algérie et Tunisie) n'avait pas les 4 ans de service requis, il devait avoir des recommandations, nous appellerions cela "du piston"..., et cela explique les lettres du Préfet de l'Ariège à son homologue de l'Eure retrouvées dans son dossier : elles attestent qu'il est un "bon Républicain"
Après ce "coup de chance", François se retrouve facteur rural en Normandie, portant une blouse bleue et un beau képi "noir à galon rouge", il est nommé à Bourg-Achard dans l'Eure, le 14 Septembre 1884, sur le poste vacant de M.Placial et perçoit un salaire de 750 francs.
(enveloppe 1° jour, service philatélique des postes, collection de mon père)
Le 23 Janvier 1885, il est nommé à La Neuve-Lyre où il perçoit 850 francs, belle promotion ! Mais, pour ce salaire, voici les conditions de travail : "le facteur rural part du bureau, pour sa distribution , à 6h du matin en été et 7h en hiver. Sa dernière distribution doit commencer avant 19h en hiver et 20h en été. En 1877, le règlement prévoit qu'il doit parcourir 4km/h (arrêts compris)... la longueur maximum d'une tournée à pied est de 32 km et, à bicyclette, de 36km !" (op.cit. p. 54)
Faut-il comprendre que le facteur rural pouvait faire 64 km par jour en totalisant les tournées du matin et du soir ? Ces conditions de travail n'ont été assouplies qu'en 1906, c'est donc ce qu'a connu François ! Heureusement, les Ariégeois sont de très bons marcheurs et ses parcours étaient relativement plats ; a-t-il pensé, durant ses marches, à ses homologues au pays qui, soumis à la même discipline, devaient affronter des chemins pentus et plus souvent enneigés qu'en Normandie?
Le 9 Avril 1886, il postule à un emploi de facteur de ville à Bernay, bien mieux rémunéré : 1.000 francs! Il l'obtient, toujours sur recommandation : celle du Préfet de l'Eure : "Le sieur Lafond est sincèrement républicain. Les entretiens que j'ai pu avoir avec lui touchant son service confirment pleinement cette opinion. J'ajouterai que Lafond me fait l'effet d'un homme actif, intelligent, dévoué et honorable"
Ouaouh ! gagné !
Son uniforme change, mais surtout il gagne mieux sa vie, mais qu'en est-il de ses conditions de travail ? Elles semblent identiques (deux tournées par jour) sauf qu'en ville, à Bernay en tout cas, elles doivent être plus courtes et ne l'oblige pas à affronter la boue des chemins creux ; par contre le volume et le poids du courrier peuvent être plus importants (ne transportait-il que les lettres ou aussi les colis ?) et donc la caisse plus lourde...
J'oubliais aussi de vous signaler que le droit au repos hebdomadaire n'a été obtenu qu'en 1906 ! et donc, que les facteurs travaillaient 7 jours sur 7. De même, les bureaux des postes étaient ouverts " à 7h en été, à 8h en hiver. Ils ferment le soir à 21h tous les jours même les Dimanches" (op.cit.p.43) ....
Après 8 ans comme facteur de ville, François postule au poste "d'entreposeur en gare" dans la même ville. De nouveau, les renseignements demandés au Conseil Général par le Préfet sont élogieux : "le sieur Laffont est un excellent employé et un sincère Républicain, il me paraît donc mériter à tous égards la faveur qu'il sollicite".
Mais il n'obtiendra pas ce poste qui aurait été vacant si M Cazals, le titulaire, avait obtenu sa mutation dans le Midi, ce qui ne fut pas le cas...
Le 28 Décembre 1912, François obtient une mise en disponibilité pour maladie, il avait 55 ans.
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