aujols-Laffont

La quartier des Réprouvés

 

Avant l'ère républicaine, le cimetière était sous la dépendance de l'église puisque c'était une terre bénie et il était souvent installé autour du sanctuaire. Le curé en gérait les tombes.

Mais, dans l'esprit des prêtres de l'époque, il est impossible de faire sépulturer dans le même lieu honnêtes paroissiens et mécréants : on ne mélange pas les torchons et les serviettes ou plutôt pour adopter un ton plus biblique « il faut séparer le bon grain de l'ivraie »...

Qui sont-ils ces réprouvés ?

Tous ceux qui enfreignent gravement les préceptes d'une vie de bon chrétien : les criminels, les délinquants condamné à la prison, les suicidés (je vous rappelle que le suicide est interdit), les non catholiques : autres religions cf Abjurer! , les Péchets : dissidents mais catholiques, les paroissiens convaincus de concubinage donc de mener une « mauvaise vie » cf refus d'inhumer au Port et même des êtres sans défense comme les enfants morts sans baptême ! Autrement dit ça fait du monde mais où ensevelir  ces pauvres gens ?

Ils n'ont pas reçu les derniers sacrements, pas eu de messe de funérailles mais on ne peut pas laisser leur cercueils devant l'église indéfiniment, il faut bien les mettre en terre et voilà l'utilité du coin des Réprouvés aussi appelé « le coin ou trou des chiens » car ils sont enterrés sans la présence ecclésiastique

Mais alors, je me pose la question, les libres penseurs, les francs maçons et tous ceux qui sont qui sont enterrés civilement viennent-ils grossir les rangs des réprouvés peut-être pas sous la République car le cimetière devient municipal...

 

où repérer ce bout de terrain ? A Bernay, en Normandie, je me souviens avoir vu des vestiges de tombes hors les murs du cimetière Sainte Croix sur la promenade des Monts, ma grand-mère disait que c'étaient des Allemands mais même jeune, j'avais remarqué un carré allemand dans le cimetière Je n'ai pas la réponse car nous n'osions pas à l'époque trop interroger nos Anciens...

 

En Ariège, il semble que ce lopin de terre soit situé dans un coin isolé du cimetière pas entretenu, il est souvent sous les ronces et mauvaises herbes et les tombes bien sûr n'ont pas de croix... Pas facile à situer de nos jours, je crois avoir repéré  celui du cimetière de Massat, à droite de l'église devant une petite porte latérale

 

Pour la famille qui doit ensevelir un de ses membres et qui subit déjà l'opprobre de sa vie dissolue, c'est une humiliation supplémentaire, il ne pourra pas rejoindre ses ancêtres dans le caveau familial !

Autre question, sans cérémonie religieuse, son décès est-il enregistré dans les BMS ? Après oui dans l'Etat civil mais avant ?

Remarquez durant la période médiévale, on ne s'encombrait pas des suppliciés qui étaient tout simplement jetés à la voirie...

 

« Ne jugez pas pour ne pas être jugés à la même aulne » il semble que les curés et certains de nos ancêtres ne connaissaient pas cette phrase de l'Evangile ou l'avaient mal comprise !!!

 

Autre croyance de nos ancêtres qui a disparu mais qui est en liaison avec le coin des réprouvés : les sanctuaires à répit.

Un enfant mort sans baptême en faisait partie, c'est pourquoi on se hâtait de se rendre à l'église même dans la neige le jour même de la naissance, de plus les sages-femmes, en cas d'accouchement difficile étaient habilitées par l'église (après examen, bien sûr) à ondoyer un enfant né fragile et même la moindre partie du corps de l'enfant qui était visible avant sa naissance : un pied, un doigt, un crâne peu importait Alors l'enfant, en cas de décès irait au Paradis sinon il errerait pour l'éternité dans les limbes...

Pour les enfants morts sans baptême, encore une solution : rejoindre au plus vite avec le cadavre un « sanctuaire à répit » Le poser sur l'autel et prier, au moindre signe de vie, le prêtre peut le baptiser en urgence et ainsi le sauver des limbes

J'ai cherché pourquoi ces innocents pouvaient être ainsi punis : ils sont morts sans avoir été lavés du péché originel ! Et les limbes ne sont pas l'enfer mais un état intermédiaire sans souffrance sauf qu'ils ne pourront pas voir Dieu pour l'Eternité Voilà leur destin post mortem...

Mais nos ancêtres très superstitieux redoutaient tous ces états mal définis dans leur croyance.

 

Qu'en est-il pour les enterrements civils qui se multiplient dans les années 1880 En fait, la proposition de loi date du 30 Juin 1882 :

 

 loi enterrements civils 30-6-1882.PNG

 

Dans la majorité des cas, tout semble être bien organisé même si le curé brille par son absence et le lieu de sépulture ne se situe pas dans le quartier des Réprouvés mais dans certains villages il peut se produire des scandales comme à Betchat le 26 Avril 1887 :

 

 enterrement civil 26-4-1887.PNG

 

En fait, ici, ce n'est pas une volonté délibérée d'être enterrée civilement mais juste un manque de numéraire qui conduit le curé à violer toutes les lois de la charité chrétienne !!!

 

 Autre phobie de certains curés : les cocardes républicaines et pourtant sous la Révolution nombre d'entre eux avaient accepté de jurer de respecter les lois de la République Sauf qu'à lépoque un refus était synonyme d'exil, de mort ou vie clandestine ; pas intrépides les curés se sont soumis au serment Mais, dans les années 1880, la liberté de choix était moins draconienne et le cléricalisme fit lui aussi (parallèlement avec la libre pensée et la franc maçonnerie), une résurrection ! D'où les antagonismes exacerbés entre clergé et République :

 

 enterrement avec cocardes 21-12-1881 1.PNG

 

enterrement avec cocardes 21-12-1881 2 Zoom.png

 

 

 

Il est vrai que cet incident datant du 21 Décembre 1881 se situe avant la proposition de loi rendant possibles les enterrements civils.

 



01/11/2023
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