Le bagnard du Port 2
Joseph Rivère Loussail se trouve accusé d'infanticide ! Mais la série 3U des Archives de Foix est lacunaire et nous n'avons pas le dossier de son procès aux Assises.
Le 14 Avril 1857, il est détenu à Foix après s'être évadé déjà une fois de la prison de Massat. Ce jour là, il est convoqué, avec 13 autres détenus, par le Président de la Cour d'Assises et donc extrait de la prison pour être entendu. Après les auditions, quatre groupes de prisonniers sont ramenés à leurs cellules mais vers 20 heures, on s'aperçoit que Joseph n'est pas rentré ! Le seul procès, dont nous disposons, est donc celui intenté à un huissier et deux gendarmes accusés d'avoir " par leur négligence laissé s'évader un détenu accusé d'un crime de nature à entraîner la peine de mort". Ce n'est donc pas Joseph qui est jugé mais ses gardiens, pourtant les témoignages vont nous donner des indices sur la personne de l'accusé.
Tous les témoins s'accordent à dire que l'accusé était dans la salle d'audience et ne tentait pas de se cacher :
" Le Président de la Cour d'Assises et l'huissier et un gendarme nous disent : " Allons, il faut partir." A ce moment, nous étions cinq dans l'enceinte grillée de la salle d'Audience, en face de la fenêtre placée à côté des lieux d'aisance ; Rivère était debout auprès des latrines ayant un morceau de pain sous sa blouse "
Quatre femmes font partie des prévenus interrogés et deux d'entre elles décrivent l'attitude et le comportement de Joseph :
"Lorsque nous quittâmes la salle d'audience où nous avions été déposées, le détenu Rivere qui s'est évadé, y était encore. Lucie Loubet me l'avait fait remarquer les yeux baissés et paraissant profondément préoccupé."
Lucie Loubet confirme : "il m'avait paru si sombre, si préoccupé, il tenait si constamment les yeux baissés vers la terre que je l'avais fait remarquer à Mélanie Pujol."
Sombre, il peut l'être ! il risque sa tête, et même s'il n'est pas coupable, il a tout perdu son enfant, son couple et peut-être ses biens... De plus, il doit s'interroger sur les responsables de son incarcération, car il a dû être dénoncé. La mort de l'enfant est enregistrée comme naturelle dans les registres !
Se confiant après son "évasion" aux voisins de son hameau, il dit avoir été indisposé par le mauvais pain que l'on mange en prison, alors il se rend à plusieurs reprises aux latrines et ... il est oublié dans la salle d'audience ! Il dit avoir attendu qu'on vienne le chercher et ne voyant personne arriver il sort tranquillement du Palais de Justice !!! En chemin, il prend le temps de se procurer un bon pain et croise des habitants qui le reconnaissent, en particulier une femme surnommée "La Comtoise" :
" Je vis là un homme qui portait ses regards tantôt vers la Place tantôt vers la rue qui va à Larget, comme un homme qui cherche le chemin qu'il prendra. L'ayant regardé avec un peu d'attention, je reconnus en lui un de l'arrondissement de Saint-Girons, accusé d'avoir tué son enfant. La pensée me vint tout d'abord de lui demander si on lui avait fait grâce ; mais j'eus peur de lui faire honte et je ne lui dit rien. Je pensai qu'on ne l'avait pas trouvé coupable et qu'on l'avait mis en liberté. Il portait une blouse violette quadrillée et de plus sous sa blouse il me parut porter un morceau de pain."
Joseph ne s'affole pas d'être ainsi dévisagé et prend tranquillement le chemin de sa vallée...
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