Le bagnard du Port 4
Dans la presse de 1861 disponible aux AD 09, je n'ai trouvé (pour l'instant) qu'un article sur le procès de Joseph Rivère et quel article ! On ne peut pas dire que son auteur soit impartial, je ne sais rien sur ce procès mais ici c'est carrément un réquisitoire contre l'accusé ; je vais vous en donner quelques extraits.
D'emblée la présentation de l'accusé donne le ton :
Qu'est ce qu'un "regard fauve"? Même le Lexis ne donne pas cette expression, faut-il comprendre indompté, sauvage ? En tout cas, ce n'est guère flatteur.
Puis le journaliste explique pourquoi le procès, qui aurait dû se tenir en 1857, a subi tant de retard et présente ainsi l'évasion du Tribunal de Foix :
Relation qui n'a qu'une lointaine parenté avec ce que nous avons appris du procès en "négligence" de ses gardiens ! Selon tous les témoignages, l'accusé ne s'est pas caché, il a toujours été dans la salle d'audience (sauf pour se rendre aux lieux d'aisance) et a été "oublié" par ses gardiens...
On apprend ensuite que de retour au pays, il fut "inquiété et pourchassé sans cesse par les gendarmes"...puis qu'il décide de partir et qu'il vit 4 ans en Provence où il est arrêté sur dénonciation "d'un de ses compatriotes" en Janvier 1861. Il simule alors "un état d'aliénation mentale" pour échapper une nouvelle fois aux Pandores mais sans succès.
Vient ensuite le récit du mariage de Joseph et d'Elizabeth, assez "orienté" lui aussi :
Le journaliste oublie seulement que le contrat de mariage avait été établi au mois d'Avril précédent... mais il souligne aussi que le futur père n'avait aucun doute sur sa paternité légitime !
Enfin suit un paragraphe propre à étonner tous les généalogistes :
Qui a déjà vu, au XIX° siècle, mention d'un homme assistant à l'accouchement et, qui plus est, y participant activement à la demande de la sage-femme ? Déjà, la présence d'une "sage-femme" serait plutôt un point favorable car elle n'est pas toujours appelée auprès des parturientes. Mais qui est-elle ? Y a-t-il une sage-femme diplômée au Port en 1857 ? Je serais tentée de dire que c'est plutôt la "matronne" locale et qu'elle s'embarrasse d'un homme à ses côtés me paraît surprenant !
Que le bébé soit baptisé le jour même, c'est évident et que la déclaration en Mairie ne soit pas faite par le père, très fréquent. Il m'a paru aberrant que de tels détails soient soulignés dans le compte rendu de l'audience !
Voici la relation du meurtre :
Ce récit implique la préméditation : "ses sinistres projets" ! Alors pourquoi l'accusé bénéficie-t-il des circonstances atténuantes ? Pourquoi doute-t-il aussi subitement de sa paternité ?
Soyons clair, je ne cherche pas à prouver que Joseph Rivère est innocent, j'exprime seulement les faits qui m'étonnent. N'oublions pas que la mort subite du nourrisson est encore (et pour longtemps) inconnue. Pourquoi ce décès éveille-t-il "de graves soupçons" parmi les habitants du hameau qui n'en eurent aucun à la mort du petit Pierre Loubet Sartrou, âgé de 12 jours le 15 Janvier précédent ?
Nous ne savons rien de ce que dirent les témoins, un laconique "les témoins ont été entendus" puis, après un "brillant réquisitoire" de M.Coste, M° Dufrêne "a présenté la défense", le verdict tombe le lendemain, l'article se termine ainsi en 8 lignes.
Joseph Rivère part pour le bagne :
L'Ariègeois du 18 Mai 1861
Le dossier de bagne de Joseph, avec un peu de chance, contiendra une copie du procès et les tribulations du condamné jusqu'à Saint Laurent du Maroni...
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