Morte pour avoir du bois !
Les faits se sont passés bien avant la « Guerre des Demoiselles » ; déjà les habitants de la vallée de Massat avaient des « litiges » avec leur seigneur M. le baron de Belissen et un gros bourgeois Laffont de Sentenac, tous deux Maîtres de forge, activité grosse consommatrice de bois (sous forme de charbon). Les droits d'usage des habitants, autorisés de manière ancestrale à prélever le bois de chauffage et de construction et d'y amener paître le bétail (droits reconnus par Froidour qui demande à l'ancêtre du baron la délimitation des zones réservées aux villageois ; lequel se refuse à indiquer et arpenter ces zones) ne sont plus reconnus par les maîtres de forge.
Les Massadels, eux, forts des accords ancestraux continuent à exercer leurs droits de pacage et de fouage sans se soucier des défenses des nobliaux locaux
Cette situation ne pouvait amener que des drames et il y en eu beaucoup sur les montagnes de Péguère !
En Avril 1782, une jeune fille y perd la vie ! Il est difficile de vous résumer les faits, le Baron rédige un Mémoire sur cette affaire :
« ce fut donc le 7 Avril 1782 sur le soir que le consul de Castelnau [Castenau-Durban] assisté de quinze ou seize personnes se rendit avec les garde bois dudit baron de Castelnau sur les dittes montagnes pour y arrêter ces brigans, qu'étant parvenu, vers les dix ou onze heurs de la nuit, au lieu dit plamercé, ils y rencontrèrent deux hommes et une fille qui fesaient trener un gros roulleau de bois de sapin par deux paires de vaches ; à l'aspect du Consul et des gardes bois ces voleurs abandonnèrent le roulleau qu'ils venaient de prendre dans les bois du dit baron de Castelnau ils prirent la fuite, en criant et en faisant des hurlements qui est leur signal ordinaire pour appeler leurs compagnons de brigandage, alors deux de la troupe du consul pour les intimider tirèrent deux coups de fusil en l'air, ledit consul se retira des emmenant les vaches qui étaient attachées au roulleau qui furent remises au parc de la métrise de foix et vendues selon les formalités de justice... »
« deux jours après cette capture les nommés Jean Galy Tantounnat du lieu de juridiction de Massat s'avoua l'auteur ce vol, demanda si les vaches qu'on luy a capturées ont été conduites à la maîtrise et si on ne savait pas luy donner des nouvelles d'une de ses filles qui était avec luy et un de ses fils lorsqu'ils furent surpris par la troupe dans la nuit du 7 Avril.
Après quelques recherches le dit Tantounnat trouva sa fille morte dans les montagnes du comte de Rochechouard, se retirant chez luy il annonça que sa fille est morte de peur et en conséquence il va prier le curé de vouloir l'inhumer ce que celuy ci refusa de faire jusqu'à ce que la justice le luy ordonnat
pendant ces entrefaites ledit Galy ne songeant qu'à trouver un ... »
« moyen de se venger contre les gardes du sire de Castelnau d'après la capture des vaches qu'ils lui avaient fait, la trouver dans son propre sang et le corps de sa fille de quoi faire perdre dix huit ou vingt hommes par ses fausses accusations..." (AD 09 36J339)
Mais les habitants de la vallée ne doutent pas de leurs droits et les choses vont s'envenimer entre le seigneur et la communauté. A cette époque, il n'y a pas de procès verbal dressé par le « verdier »(le garde bois), le seigneur saisit les bêtes en dépaissance « illégale » à son interprétation et tente aussi, par ses gardes, de saisir les « voleurs de bois » pour les mettre en geôle !
Seulement, voilà, chacun étant sûr de ses droits, le conflit ne peut que durer et s'envenimer !
Bon, 1789 arrive et le baron va peut-être avoir des problèmes avec le nouveau régime d'autant qu'il semble que son fils ait émigré ! La revanche des paysans pauvres est possible... eh bien non le baron demeurera en son château sans être inquiété et continuera à persécuter ses « sujets », qui ne se reconnaissent pas comme tels, sans problème.
Ces documents ont été trouvés dans la série 36J ; c'est à dire les archives « entrées par voie extraordinaire » et cette série J est très abondante aux Archives de Foix et passionnante ! Et Monsieur de Bellisen et ses descendants génèrent des dizaines de dossiers : ils sont procéduriers mais les habitants de la vallée aussi !!! Les liasses de la sous série 36J qui leur sont consacrées portent les cotes 36j289 puis 327 et 28 ; 330 , 332,333,336,339,340, 341, 342, 345,348 et 349 !!!
Le nombre de liasses qui peuvent contenir une centaine de pages chacune révèle une sorte d'acharnement de la part de ces deux nobles car elles sont en majorité dirigées contre les habitants de la vallée de Massat et Boussenac ; ceux qui fourniront un des plus fort contingent de Demoiselles !
Ce n'est pas un hasard ou une flambée subite : ils sont harcelés par ces gros propriétaires depuis des décennies et la Révolution n'y a rien changé !
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