aujols-Laffont

Quand les bâtards sont acceptés

Décidément, tout est surprenant dans cette vallée, certains condamnent les mères célibataires et même leurs enfants (innocents de leur conception "derrière l'église") et d'autres les acceptent apparemment sans grosses difficultés...

En fait, il me semble (mais je peux me tromper, il est toujours hasardeux d'interpréter les décisions de nos ancêtres du XIX° siècle) , que le centre est la famille et chaque famille est souveraine et a son sens de la moralité. Si sa décision est en accord avec celle du voisinage  (le vesiau, c'est à dire le voisinage au sein duquel on s'entraide), il se peut que ce soit le "galant" qui soit victime de l'oprobe publique ! 

Si la fille et la famille sont réputées honnêtes, sa situation sera acceptée ainsi que son concubinage comme dans le cas de Marie Laffont del Cardaÿre et Jean Teychenné Madounet ; les parents seront compréhensifs et le grand-père ira déclarer son petite-fille "naturelle" :

 

Boussenac ° Laffont Michelle 18-4-1808 enfant naturelle.PNG

 "L'an 1808 et le 18° jour du mois d'Avril ...commune de Boussenac ...est comparu Jean Laffont del Cardaÿre, âgé de 53 ans, cultivateur, habitant de la dite commune, lequel nous a déclaré que ce jourd'hui heure de 4h du matin, Marie Laffont sa fille est accouchée, dans la maison de Jean Teychenné Madounet, audit Boussenac, d'un enfant de sexe féminin qu'il nous présente et auquel il donne les noms et prénoms de Michelle Laffont del Cardaÿre. Lesdites déclarations et présentation faites en présence de Paul  Laffont del Cardaÿre, âgé de 21 ans et de Jean-Pierre Laffont del Cardaÿre, âgé de 22 ans, cultivateurs, habitants de ladite commune ; et nous avons signé le présent acte de naissance, les déclarant s et les témoins ayant dit ne savoir après que lecture leur en a été faite."

 

 Tout semble être pour le mieux, toute la famille est d'accord et la jeune femme accouche chez son "galant", situation peu banale dans la vallée !! Mais en cherchant un peu plus, on trouve un contrat de mariage entre Marie et Jean établi le 2 Mars 1807 chez M° Darnaud     

  

cm t Madounet Laffont 1.PNG

cm t Madounet Laffont 2.PNG

 " ont comparus dans ladite maison, Jean Teichenné Madounet du quartier del Magret, commune dudit Boussenac, fils légitime de feu autre Jean et de Catherine Piquemal Barou, mariés habitants du quartier de lavleu commune dudit Massat, assisté et expressement de la dite Piquemal Barou, sa mère, et d'autres parents et amis d'une part ; et Marie Laffont del Cardaÿre, habitante du quartier appelé la Serre de Cole audit Boussenac, fille légitime de Jean Laffont del Cardaÿre  et d'Anne Claustre Fourquet, mariés habitants du quartier des Eichards audit Boussenac assistée et expréssement autorisée de ses dits père et mère et d'autres parents et amis, d'autre part. Lesquels partis de leur bon gré du vouloir et consentements exprés de leurs assistants ont promis de s'unir en mariage conformément aux lois civiles et canoniques à la première réquisition qui sera faite par l'une des parties ..."

 

Bon, les accordailles étaient faites donc les deux familles étaient en faveur de ce mariage, et apparemment, la fiancée vivait déjà dans l'oustal de son promis...Le mariage était consommé avant  sa formalisation religieuse et civile (avec le consentement des deux familles, une "liberté" que nous n'avons connu qu'à la fin du XX° siècle)! 

Et le mariage n'est pas célébré ! Jean dicte son testament le 2 Juin 1809 devant M° Espaignac, après la naissance de Michelle, car il part "pour les armées de l'Empire", il est en âge d'être conscrit et ...pas marié, pas père de famille officiellement (il n'a pas reconnu Michelle)...

 

testament de T Madounet.PNG
 " et laisse le dit Teichenné testateur à Marie Laffont del Cardaÿre, fille seconde de Jean Lafffont del Cardaÿre, la jouissance et usufruit de tout et chacun des biens meubles, immeubles généralement quelconques et en quoi qu'ils puissent consister  qu'il laissera au jour de son décès, pour par elle en jouir jusqu'à ce qu'elle se marie seulement et en payer les charges créées et à créer, lègue et laisse le testateur à Michelle fille naturelle de la dite Marie Laffont une somme de 600 francs à elle payable sans intérêt deux ans après le décès du testateur si à cette époque la dite Michelle vit encore..."

 

 Ne vous inquiétez pas ! Jean reviendra puisqu'un fils naîtra chez lui au quartier du Magret le 17 Octobre 1810, le petit Jean :

   

° Jean Laffont enfant naturel 17-10-1810 Boussenac.PNG

 

 

Mais le couple n'est toujours pas marié même si les parents ne semblent pas s'en formaliser !

Après, bien sûr, je cherche un mariage qui légitimerait les enfants ; aussi bien dans les tables décennales que dans les registres (en cas d'oubli) aucune trace !

Alors, une question se pose : seraient-ils des adeptes de la Petite Eglise (des Petchets), pour eux, il était impossible de recevoir un sacrement d'un prêtre concordataire et, si possible, ils allaient se marier à Toulouse où il y avait quelques prêtres "non jureurs" mais ces mariages clansestins ne sont, à ma connaissance enregistrés nulle part ! Ils peuvent donc avoir satisfait aux désirs religieux de leurs familles sans que nous le sachions jamais...De  plus, nous sommes au début de l'Etat civil et nous avons vu le peu de cas que faisaient les Massatois de ces déclarations : cf actes d'état civil actes futiles 

 

Il faut remarquer aussi que, parmi les nombreux enfants de Pierre Loubet de Paule et Catherine Laffont del Cardaÿre, une de leur fille : Barbe a deux filles naturelles que je vous présente : Louise née le 1° Septembre 1844 à Massat

 

° Louise Loubet de Paule 1-9-1844 Massat.PNG

"acte de naissance de Loubet de Paule Louise née le jour d'hier à 11h du matin, fille naturelle de Barbe Loubet de Paule, non mariée, cultivatrice habitant à Massat. le sexe de l'enfant a été reconnu féminin ; premier témoin Galy Moulis Paul, âgé de 58 ans, brigadier forestier , second témoin Loubet de Paule Jean-Baptiste, âgé de 38 ans, menuisier habitant à Massat. sur la réquisition à nous faite pat Loubet de Paule Joseph, oncle de l'enfant ..."  

 

puis Marie le 5 Juillet 1848 :

 

° Marie Loubet de Paule 5-7-1848 Massat.PNG

 

Toutes deux naissent sans que le nom du père soit mentionné et sans la mention traditionnelle "de père inconnu". Et pourtant, il semble bien y avoir une acceptation familiale : ce sont les frères ou oncle, de Barbe qui vont déclarer leurs nièces. Même si le nom du "patriarche" et diacre des Petchets n'apparaît pas nomémment dans les actes, il doit, sinon approuver, au moins tolérer.

Il est possible aussi que la famille du compagnon de Barbe n'adhère pas aux idées des Petchets et ait mis son veto au mariage et même à la mention du nom du père, la vallée de Massat est un microcosme où tous se connaissent... en 1844 et 1848, nul n'ignorait qui était le compagnon de Barbe mais nous , nous ne saurons jamais! 

 



27/06/2018
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