Trois ponts démolis en 1707
Je vous ai souvent parlé d'épisodes climatiques très soudains et dévastateurs en montagne : de la violence possible de l 'Arac, d'avalanches meurtrières, d'orages de grêle subits même en Juillet, de tempêtes, etc
Là, c'est une inondation énorme qui détruit 3 ponts construits en pierre ! Pas en bois !!! A Massat, Lirbat et Biert, tout est détruit !
Selon « Contexte » de Thierry Sabot, livre que je viens d'acquérir et dont je me suis délectée pendant le confinement ; l'année 1707 a connu des pluies torrentielles et continuelles pendant des mois sur le Languedoc et Midi Pyrénées, un genre d'épisode cévenole gigantesque et durable !
"Pendant l'hiver des pluies continuelles ...la persistance des pluies empêchent les semailles sur beaucoup de points ..."
En Ariège, sur champs pentus, les pluies ont dû faire dégringoler la terre jusqu'aux murettes, il faudra la remonter à dos de mulet ou d'homme avant de semer...
Nous sommes habitués à ces déchaînements de la nature mais pas sur une telle durée !
Ces pluies ravagèrent plusieurs régions : les rivières et les ruisseaux ont, ici , un régime « d'oueds » , les Anciens le savaient et ne construisaient pas auprès de ces ruisseaux en apparence calmes : récemment inondations à Nîmes, le cours d'eau avait été « busé selon son débit normal »..., à Montpellier, c'est le Verdanson qui fait des crises ; certaines années vous ne trouveriez pas assez d'eau pour une tasse de thé et l'année suivant il inonde le quartier entier pourtant il est endigué mais quand il se fâche, il s'en moque !!!!
En Ariège, c'est comparable et même pire si les chutes de neige ont été abondantes et les crues peuvent être soudaines à cause d'un embarras de bois (embacle) qui craque en amont, il n'y a pas si longtemps à Couiza (Aude)
Il n'est donc pas difficile d'imaginer ce qui a pu se passer dans la vallée en cette funeste année 1707, !
« Devis des trois ponts de pierre de tailhe assis sur la rivière de Buleis en la vallée de Massat en Couserans. L'un appelé le pont de Massat, l'autre le pont de Lirbat et l'autre le pont de Biert que l'inondation a entièrement emportés, quy sont tout à fait necessaires d'estre reconstruits avec toute la solidité possible soit pour le profit et advantage du roy que celluy du public, parce qu'en la dite vallée de Massat il y a quatre forges à faire du fer et une autre forge en la juridiction de Bossenac limistrofle... »
Voici des extraits des devis qui sont établis pour les reconstruire au plus vite car leur disparition entrave la vie économique aussi bien que spirituelle de la vallée...et donnent aussi une idée de l'ampleur des dégâts !
« Ce pont de Lirbat quy éstoit basty sur la rivière de buleis audit Massat ayant été emporté par l'inondation jusques a la dernière pierre des fondements des piles culées... »
« Ce pont estoit baty sur la rivière du Buleis audit Massat et a été emporté par l'inondation jusques à la dernière pierre des piles culées
Même scénario pour le pont de Biert
même description que dans les précédents extraits
De sorte qu'il est necessaire de construire un pont de pierre à trois cents cinquante pas plus bas pour pouvoir recevoir toute l'eau et pour ces effaict il faudra le passage aux circonvoisins de part et d'autre, lequel pont sera de la longueur de huit canes et demy... »
La démolition de ces ponts n'entraîne pas que des dommages économiques en entravant le circulation des habitants Certains, en plus, ne peuvent se rendre à la messe ! :
"...outre que les habitants de ladite juridiction de Boussenac quy n'ont point d'église Et ceux même du vilage de Tarten et de plusieurs autres masages de ladite vallée de Massat quy sont au della de la rivière et que l'église de Massat leur paroisse est de l'autre costé sont privés d'ouïr la Sainte messe à manque de tels ponts... »
Le scribe ne le dit pas explicitement dans le document mais cela signifie aussi que les enfants ne pourront être baptisés, les mourants ne pourront pas recevoir les derniers sacrements ni être sépulturès en terre chrétienne, ce qui, pour nos ancêtres vivants en autarcie, prime et de loin sur l'activité économique ! Le salut des âmes et la peur des brouches sont très présents
Il est donc urgent de reconstruire ces ponts mais la facture est « salée » : 3800fr pour Massat, 1800fr pour Lirbat et 1600fr pour Biert (je suppose que ce sont des francs-or) donc 7200fr en tout selon l'auteur des devis :
« Le présent devis a été fait par moy ¨Bernard Cassas mestre tailleur de pierres habitant de Mont brun A la reqisition des consuls et sindicqs de la communauté dudit Massat où je me suis transporté à cest effet Fait audit Massat au 13 Mars 1707... »
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