Malheureux même au cimetière !
Il est difficile, dans cette vallée, de poser des questions en étant sûr qu'elles ne vont pas éveiller de vieilles inimitiés. Demander où se trouve le cimetière est anodin et pourtant, ce faisant, on peut mettre le doigt sur un sujet sensible et faire ressurgir des querelles entre communes !
[Cet article cite des descriptions d'époque employant des termes qui peuvent choquer les plus sensibles]
Voici la situation du cimetière du Port en 1829, un petit dossier d'une quinzaine de pages mais combien explicite et même choquant ; je n'exagère pas, vous verrez !
Dès 1828, son exigüité et sa surpopulation provoque un échange de lettres et de pétitions entre les habitants soutenus par leur curé et les autorités municipales (Le Port fait encore partie de l'immense commune de Massat) et préfectorales. Il faut agrandir le cimetière et acheter un terrain. Les élus de Massat tergiversent, se disent sans crédits disponibles pour doter la fabrique de l'église annexe ; nous dirions qu'ils "jouent la montre" en toute mauvaise foi...
Le 21 Février 1829 survient le décès d'un jeune homme Pierre Sablé Menenat qui va mettre l'urgence de la situation en lumière et le "feu aux poudres" : Le curé Maurette refuse de l'inhumer dans un cimetière plein à craquer :
Il se dit : "fatigué de voir remuer et déloger du sein de la terre des corps enterrés depuis deux ans environ et par conséquent à demi pourris, après avoir rendu au défunt les honneurs funèbres que mes devoirs m'obligent à rendre à tous les fidèles, je préviens ses parents affligés que je ne pourrais point permettre que ce jeune homme fut enterré au cimetière actuel jusqu'au tant que la police de la commune de Massat (de cet encien Empire romain...) vint elle-même donner des ordres pour procéder à la sépulture du défunt..."
Et le défunt d'attendre patiemment, dans l'église, la police qui arrive le lendemain. Les pandores entreprennent de chercher un emplacement libre et font "sonder le cimetière". On décide d'un endroit où creuser une fosse dont le commissaire écrit dans son rapport qu'il s'agit d"un endroit qui était infect" ... mais mauvaise surprise :
" à peine les ouvriers eurent-ils creusé deux empans environ qu'ils découvrirent le cadavre d'un enfant pourri n'offrant qu'une matière blanchâtre, Mr le Commissaire sachant qu'il n'avait pas le droit d'aller plus loin, sans violer les lois les plus sacrées, fit refermer la fosse === poussé par la nécessité, ne sachant où faire inhumer le nouveau défunt, il ordonna qu'on ouvrit de nouveau . Ayant retrouvé le corps de l'enfant réduit en pourriture, il le fit arracher aussi respectueusement que possible du sein de la terre et il l'obligea par son autorité à céder la place au cadavre de feu Pierre..."
Puis la police quitte le cimetière "à cause de l'infection de ce lieu".
Le curé poursuit par un réquisitoire contre la commune de Massat qui continue à faire lanterner les habitants du Port sans leur allouer un nouveau terrain et souligne que la population et la fabrique sont trop pauvres pour financer l'achat eux-mêmes. Que fera-t-on si un nouveau décès survient ? ...Et cela advient le 24 Février, avant l'envoi de la lettre comme nous l'apprend le post scriptum !
"j'eus un enterrement à faire pour enterrer le défunt catholique, nous fûmes obligés, vu notre misère, d'emprunter un morceau de terrain au cimetière des puristes qui se trouve aussi rempli parce qu'il n'y a de place que pour deux gros corps."
Etre obligé de pactiser avec les Petchets qui refusent de participer aux sacrements dispensés par des prêtres concordataires et à qui on a refusé l'accès au cimetière de la paroisse, voici le comble pour ce pauvre curé !
Une bien horrible et révoltante histoire ! Mais enfin le scandale éclate ! Le commissaire va dans le sens du curé, "il est impossible d'enterrer aucun mort dans le cimetière et il faut de toute nécessité pourvoir à un nouveau emplacement". Le sous préfet est alerté, le Préfet tempête et, pressée de tous côtés, la Municipalité de Massat se décide, enfin, à acheter trois parcelles de prés à la famille Garrabé pour 500 fr..., les défunts du Port vont pouvoir reposer en paix !
Pas encore...! La polémique ressurgit l'année suivante : le terrain, d'après la loi, doit être clos, or, en Avril 1830, "nous voyons encore le cimetière tout ouvert sur le bord d'une route" et pourtant Massat dispose depuis un an des 500 fr nécessaires, encore une preuve de son inertie !
Ce petit dossier contient d'ailleurs une lettre (ou un brouillon) non signée mais émanant sans doute du Préfet et datée du 22 Janvier 1829 envisageant déjà une souhaitable partition de la commune de Massat, cet "encien Empire romain" selon la formule du curé :
Cette commune de Massat est à faire le tourment de l'administrateur, elle n'a pas plutôt terminé une contestation qu'il s'en élève une autre, quoiqu'il en soit un cimetière est indispensable et la commune de Massat ne peut s'empêcher ni différer d'en procurer un aux paroissiens du Port. Si elle continuait d'opposer sa force d'inertie il faudrait en venir à une mesure tant désirée et tant souhaitée , celle de diviser Massat en trois communes Le Port, Biert et Massat . Celle-ci ne le voudra pas mais il lui est facile de l'en garantir en accordant à chaque paroisse ce qui lui est légitimement dû"
Cette partition ne sera effective qu'en 1851 mais ses immanquables péripéties risquent de nous réserver encore bien des débats truculents !
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