Un refus d'inhumer au Port
Quand on connaît et comprend la peur ancestrale et viscérale du monde des disparus que ressentent les Couserannais, on comprend qu'un refus de sépulture par le curé peut avoir un impact catastrophique !
En 1879, le curé du Port refuse la sépulture en terre consacrée à l'un de ses paroissiens... quel crime a-t-il commis ? Il vit maritalement avec une femme dont il a des enfants
« Raymond Loubet Pater avait eu des relations coupables avec Marguerite Camador, femme en secondes noces de son père, mais après la mort de celui ci. Ils avaient vécu maritalement avec cette femme pendant plusieurs années et il était né de ces relations deux filles mariées dans la commune de Massat »
Il refuse sur son lit de mort de la jeter dehors, elle et sa descendance... Le Curé lui refusera donc l'Extrême Onction à son heure dernière et lui refusera aussi la sépulture en « terre consacrée » auprès de ses aïeux !
« sentant approcher sa fin, il fit appeler le prêtre pour remplir ses devoirs religieux. Le prêtre se rendit chez lui et reçut sa confession mais refusa de l'absoudre s'il ne chassait pas de sa maison la femme avec laquelle il vivait. Pouvait-il jeter dans la rue une femme âgée de soixante cinq ans, sans asile, sans aucune ressource, incapable de gagner son pain, la mère de ses enfants et la seule personne qui put, à son chevet lui prodiguer les soins qui lui étaient nécessaires ! En vain les parents et les voisins affirmèrent que toutes relations avaient cessé depuis longtemps entre Loubet et sa marâtre, le prêtre fut inébranlable, il refusa le pardon que réclamait ce chrétien repentant et se retira. »
Le pauvre homme décéda sans sacrement le 2 Juin à 2 heures du matin, son neveu s'en fut à la Mairie déclarer le décès puis voir le curé pour la sépulture, celui-ci partit pour en référer à l'Evêque et ordonna auparavant au fossoyeur d 'interrompre son travail !
« quelques instants après le curé mandait son carillonneur et le chargea d'aller au cimetière intimer l'ordre au fossoyeur, qui déjà creusait la fosse, sur l'avis de la famille, à la suite des autres fosses, selon l'usage et l'ordre établis, de cesser immédiatement son travail et d'attendre un nouvel ordre. »
Le soir, le neveu rencontre le curé et son verdict tombe comme un couperet :
« … j'ai pris mes renseignements je ne peux pas et ne veux pas enterrer votre oncle. Je m'oppose et vous défends de l'ensevelir au cimetière, vous ferez de son cadavre ce que vous voudrez. » [!!!]
« |[le] curé dit au neveu du défunt : je vous défends de placer le cercueil sur le piédestal de la statue de saint Joseph, ainsi qu'il est d'usage de le faire. Vous ne porterez pas le deuil de votre oncle et si, Dimanche prochain vous entrez dans l'église pour lui faire les honneurs, revêtus de vos manteaux en signe de deuil, je vous ferai mettre à la porte de l'église.
Les gens du pays ont en effet la coutume ... »
« de se rendre à l'église le Dimanche qui suit l'enterrement en formant un cortège et portant le manteau et le chapeau à large bords, marques distinctives du deuil et de l'église au cimetière sur la tombe du défunt. »
Où enterrer le défunt qu'on ne peut pas garder indéfiniment à la maison puisque l'église et même le cimetière lui sont interdits … C'est ce curé intransigeant qui donne « sa » solution :
« cette réponse que le fossoyeur venait de nouveau demander des ordres au curé. Ce dernier répondit si les parents veulent enterrer cet homme vous creuserez une fosse à l'endroit réservé aux suicidés et aux puristes. On appelle puristes ceux qui encore aujourd'hui ne reconnaissent pas les prêtres assermentés.
J'oubliais de dire que le curé avait aussi défendu que l'on plaçat une croix sur la tombe su défunt. »
La famille est décontenancée, humiliée et déconsidérée dans le village, une catastrophe pour tous, que vont-ils faire ?
« Les parents de Loubet couverts de honte effrayés des déclarations du curé et on tant peur sur eux l'anathème du prêtre ; déconsidérés aux yeux de leurs concitoyens par la défense qui leur est faite d'ensevelir le défunt, de porter son deuil, de placer une croix sur sa tombe, prirent la résolution de l'ensevelir pendant la nuit. Une fosse fut creusée dans un coin du cimetière à l'endroit réservé aux puristes, sous les ronces et les épines et l'enterrement eut lieu à deux heures du matin, le Samedi. »
Interdite de messe, la famille ignora que le curé avait dit en chair lors du sermon que le sort de ce paroissien devait être un exemple, il ne réussit qu'à indigner la population et après les conciliabules, à l'irriter gravement contre son curé qui infligeait une telle humiliation à une famille entière !
Grand bruit dans le bourg, la Mairie, qui soit dit en passant, est propriétaire et gestionnaire du cimetière (Mr le Curé a dû oublier que depuis la Révolution et le Premier Empire, ce sont les Mairies qui gèrent ces terrains) et la presse qui se fait écho de cette affaire...
Le Sous Préfet de Saint-Girons semble avoir été alerté par le Maire de Massat , Mr Galy Gasparrou le 9-9-1882
« J'ai l'honneur de vous adresser les renseignements que j'ai recueillis sur la conduite de M Domenjou, curé du Port, canton de Massat
Ces renseignements donnés par M Galy Gasparrou, Maire de Massat, conseiller général de ce canton sont de la plus grande exactitude. »
Le même confirme que la population est indignée par la conduite de son curé ; il est mentionné plus loin que la décision a été prise en urgence « parce que la population était tellement surexcitée que nous devions lui donner une satisfaction immédiate »
La seconde cérémonie autour de la sépulture fut civile et calme même si ce personnage, obstiné et fanatique, qu'était Domenjou, curé du Port fit encore preuve d'intolérance à cette occasion ;
« La cérémonie purement civile a eu lieu avec le plus grand calme.Je n'ai à vous signaler qu'un seul incident
Le curé surpris par l'arrivée du cortège et apercevant le cercueil que l'on portait sur le piédestal de la statue de St Joseph, a couru jusqu'à l'église, en a fermé la porte à clef et a mis la clef dans sa poche. »
Tous ces extraits concernant ces événements sont extraits d'une longue lettre du Maire du Port au Sous préfet de St Girons datée du 8 Juin 1882 ( documents en 5M90 aux AD 09)
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