Cabaret interdit pendant Vêpres
Ne pas assister aux deux temps forts de la journée dominicale (seule chômée) : la messe et les vêpres fait de vous un mécréant sous l'Ancien Régime et peut-être, dans certaines régions ou milieux jusqu'au XIX° siècle !
Mais en plus, passer ces heures (3 ou 4 en tout) dans un lieu où l'on sert des boissons : cabaret, auberge et estaminet fait de vous un délinquant ! Et c'est l'hôte lui même qui vous mettra à la porte de son établissement parce qu'il encoure de son côté, une amende si son établissement n'est pas fermé durant les heures dues à la prière …
C'est assez intéressant de voir à quel point l'église interfère beaucoup dans la législation royale sous l'Ancien Régime mais souvenons-nous que la France est la fille aînée de l'Eglise Le document suivant peut nous étonner après presque deux siècles de république laïque et pourtant :
Le 14 Mars 1701 Bertrand Degeil, hôte, fait sortir toute sa clientèle à l'heure de Vêpres, toute ? Non ! Un client résiste et s'incruste : Jean Maurette ayné, forgeur de Lirbat qui compte bien profiter de sa journée pour continuer ses libations, il ne veut ni assister aux Vêpres (ce n'est pas une obligation) ni sortir du cabaret !
« jour d'hier Dimanche du courant pendant que Vêpres se disaient à l'heure de 3 à 4 après midy Bertrand Degeil de évouset hôte dudit lieu et Lauvoit allé trouver et luy dit qu'il luy avait été impossible de faire sortir plusieurs personnes qui étaient dans son logis et ayant comandé aux personnes quy y estaient d'en sortir pendant les Vespres ils seraient tous sortis à l'exclusion de Jean Maurette ayné du maille forgeur habitant au village de Lirbat … »
Il faut donc, pour l'hôte, en appeler à la force publique pour ne pas risquer l'amende sauf que le récalcitrant est aussi le frère d'un consul municipal... là, tout se complique !
Jean ne sortira que pour aller en prison, dit-il !
« qu'il ne luy plaisait pas d'en sortir et qu'il y resterait malgré le comparant, ce qui donna lieu audit comparant de luy représenter qu'il était déffandu par les ordonnances de rester au logis pendant Vêpres et qu'ainsi il devait en sortir, surquoi ledit Maurette répondit derechef qu'il ne sortirait pas à moins qu'il ne voulut l'admener en prison ... »
mais l'autorité temporise et Jean insiste, s'il ne veut pas quitter le cabaret, il faut le mettre manu militari en prison... Pourquoi cette insistance ? Est-il déjà depuis longtemps « dans les vignes du Seigneur » et très éméché ou est-ce une première contestation de l'Eglise dans les lois ?
« Mais ledit Maurette ne lui ayant pas voulu obéir le comparant lui avait mis la main au colet pour l'amener en prison surquoi serait survenu le sieur Jean Maurette son frère consul dudit lieu de Lirbat lequel en arrivant au comparant dit que son frère n'irait pas en prison et qu'il était permis de rester au logis, nonobstant quoi il avait obligé ledit Maurette de sortir et étant au bout de la place à 8 ou 10 pas de la maison dudit Degeil hoste..."
Puis son frère cadet intervint et cela provoqua un beau bazar !
«[le] consul avait en colère pris le comparant aux boutons et lui avait tiré son frère des mains à toute force disant qu'il n'irait pas en prison. Ce qui obligea le comparant de se retirer n'estant pas assez fort et avec que ce sont des voyes de faict et un mépris aux ordonnances et à la justice qui mérite punission ledit comparant a requis à moi Notaire lui en retenir le présent verbal ... »
Mais l'hôte n'eut pas d'amende, Jean apparemment n'alla pas en prison mais le temps des Vêpres du 14 Mars ne fut ni serein, ni recueilli pour les protagonistes !
Qu'on puisse être astreint à assister à la messe dominicale, c'était encore le cas, il n'y a pas si longtemps sous le régime franquiste ! Mais les Vêpres étaient, je pense, partout tombées en désuétude
Ayant été élevée dans un milieu catholique pratiquant, je ne suis allée à Vêpres que pendant ma retraite de communion ; par contre, nous avions, durant les années de catéchisme, une carte à faire viser chaque Dimanche pour certifier que nous avions assisté à la messe (même en vacances en Espagne!) dans les années 1960. Quelqu'un se souvient-il de cette contrainte ?
Bien avant l'obligation de fermeture des estaminets avait été abolie !
Mon grand-père Léon ne fréquentait jamais les cafés, mais il n'arrivait à l'église qu'au moment de la consécration et dès l' "ita missa est", dûment béni, il se hâtait pour aller acheter le gâteau du Dimanche ! Une discipline religieuse un peu moins stricte ...
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